« Qui l’État réprime-t-il ? »

On le voit souvent dans les manifs la BAC et les flics ciblent des manifestants en particulier. Plus globalement, la répression de l’État ne touche pas n’importe qui. L’État réprime nos luttes, nos résistances, chaque fois que nous sommes dans la rue pour contester la politique du gouvernement et des patrons. Les lycéens qui se sont mobilisés en décembre dernier en ont fait l’amère expérience. Répression administrative, CRS systématiquement présents pour briser les blocages par la force… À Lille, les flics ont même lâché les chiens sur des jeunes et des lycéens qui se mobilisaient sur un bahut !

On voit rarement un patron poursuivi par la police pour non-respect de la loi. Et quand certains d’entre eux sont poursuivis en justice, ils s’en sortent souvent sans aucune peine. Exemple, à EDF une plainte a été déposée suite au suicide d’un salarié à cause des conditions de travail dans la boîte, le tribunal a tranché en faveur de l’entreprise. À l’inverse, les salariés n’ont jamais la justice de leur côté. Citons Alexis Antoine, gréviste des Molex, au dernier congrès de la CGT : « Quand le patronat bafoue quatre décisions de justice comme ce fut le cas chez nous à Villemur-sur-Tarn, quand des patrons voyous décident de séquestrer les salariés en les empêchant de travailler et de rentrer dans leur usine malgré une ordonnance du juge, pas de trace des forces de l’ordre pour expulser la milice privée des dirigeants de Molex, pas de trace du moindre respect de la loi. ». L’arsenal policier de l’État n’est utilisé que contre le mouvement social. Et cet arsenal n’est pas que physique. L’Etat est aussi un surveillant au service du pouvoir. La nouvelle loi sur la sécurité intérieure (LOPPSI 2) d’Hortefeux n’y va pas par quatre chemins : vidéosurveillance généralisée, couvre-feu pour les moins de 13 ans, fichage des individus pouvant « porter atteinte à l’ordre public »… Les Équipes Mobiles de Sécurité qui vont se mettre en place dans les bahuts n’ont pas pour objectif de lutter contre l’insécurité scolaire. Il s’agit de briser les futures luttes lycéennes.

« L’État n’est-il pas neutre ? »

L’État n’est pas neutre. De tout temps il a été au service de la classe dirigeante. Pour augmenter les salaires : « les caisses sont vides ». Pour renflouer les banques et le système en période de crise : 360 milliards d’euro de plan de relance. L’État est le garant des profits des patrons en cas de problème. BNP Paribas vient d’annoncer 22 milliards d’euro de bénéfice pour l’année 2009… grâce à l’intervention de l’État.

Et pour s’assurer un contrôle sur la politique que mène le gouvernement, les patrons ne s’embarrassent pas d’artifice. Cela se fait par le moyen le plus sûr : la dette de l’État. Cette dette est issue des emprunts que l’État contracte auprès des banques et qu’il doit ensuite rembourser. Ainsi, par le biais de la dette, le grand patronat et les banques à son service ont un contrôle direct sur les investissements de l’État. Pas étonnant que le remboursement de la dette constitue le deuxième poste budgétaire.

« Mais alors pourquoi les patrons et les libéraux veulent toujours « moins d’État » ? »

Quand il s’agit de sauver le capitalisme par des plans de relance faramineux, on n’entend pas un patron qui crie au scandale. Moins d’État mais pas n’importe quand et pas pour n’importe quoi. Quand il s’agit de privatiser des secteurs rentables pour faire des profits (comme La Poste ou GDF par exemple) il faut moins d’État. Pour les secteurs soi-disant non-rentables, comme la sécurité sociale par exemple, l’intervention de l’État est favorisée. Par exemple, plutôt que de prendre sur des cotisations patronales pour financer l’assurance maladie, on propose de le faire par le biais de l’État, c’est-à-dire de nos impôts. C’est ce qu’on appelle la socialisation des pertes et la privatisation des profits.

Quand Sarkozy refuse de remplacer un fonctionnaire sur deux, il n’y a pas « moins d’État ». Il y a simplement de belles économies à la clé et une casse des services publics pour mieux les privatiser ensuite. De plus, certains postes budgétaires, comme ceux de la police ou de l’armée, sont en constante augmentation depuis des années. Pas question de réduire les dépenses dans ces domaines !

« Sans l’État et l’armée, qui nous défendrait ? »

L’armée française ne sert pas à défendre la population dans son ensemble. Elle sert à défendre les intérêts de l’impérialisme français. 7 bases militaires permanentes existent aujourd’hui en Afrique. Ce n’est pas pour assurer « la paix » mais plutôt pour intervenir dès que les intérêts de Bouygues, Total ou Bolloré sont menacés. Si la première visite de Sarkozy à l’étranger après son élection était pour Omar Bongo (dictateur gabonais aujourd’hui décédé) c’était pour l’assurer de son soutien. En effet, pour que les profits juteux des multinationales françaises en Afrique ne soient pas malmenés, la France intervient directement, parfois militairement, pour maintenir au pouvoir des régimes dictatoriaux. L’intervention militaire au Tchad en est l’un des derniers exemples.

« Mais l’État a toujours existé ? »

L’État n’a existé que pendant une petite partie de l’histoire de l’humanité. Et il n’est pas apparu par hasard. Ce n’est pas un outil neutre dont la société s’est dotée à un moment de son histoire pour assurer l’intérêt collectif. Il est le produit de la division de la société en classes sociales distinctes. Quand une minorité de la population a pu se dégager de la nécessité de travailler en vivant du travail des autres, elle a pu constituer un patrimoine qui au fur et à mesure de l’histoire s’est transformé en capital jusqu’à l’apparition du capitalisme. Pour s’assurer que ce capital reste entre ses mains, les classes dirigeantes ont eu besoin d’institutions pour garantir leur domination sur le reste de la société. Là est l’origine historique de l’État. Il est le résultat des contradictions de la société et de la domination d’une classe sur une autre. Il disparaîtra quand disparaîtront ces contradictions et cette domination… une fois le capitalisme renversé !

« Alors pourquoi l’État réprime ? »

Car fondamentalement l’État n’est pas neutre. Il a une nature et une fonction de classe. Et sous le capitalisme, cette classe c’est la bourgeoisie et à sa tête le grand patronat. La répression est la défense de l’ordre établi, notamment de l’ordre économique. C’est donc la défense de la propriété privée des moyens de production. C’est la défense des profits d’une minorité de la population tirés de l’exploitation du travail de la majorité. Engels disait : « l’État se résume à un groupe d’hommes en armes ». Cette définition est toujours d’actualité même si l’État a évolué et s’est perfectionné au fil des années, notamment dans ses formes de contrôles, de répression et d’intégration idéologique. Car le rôle de l’État n’est pas seulement de réprimer tout ce qui bouge. Une telle société n’est guère imaginable. Pour maintenir l’ordre, l’idéologie dominante, et particulièrement les illusions dans les institutions, sont d’un grand secours aux capitalistes. Comme le chante La Rumeur : « La meilleure des polices ne porte pas l’uniforme (…). La meilleure des polices c’est ton taf, ta télé, tes crédits (…). C’est tes retenues sur salaire et le découvert avant la fin de la semaine (…). La meilleure des polices c’est quand les pauvres savent rester à leur place sans besoin de les matraquer.  ».

« Pourquoi se poser cette question aujourd’hui ? »

Notre rapport aux institutions et donc à l’État n’est pas une question purement théorique. Dans nos luttes, au quotidien, nous sommes confrontés à ce problème. Par exemple, dans une mobilisation faut-il compter sur nos propres forces et massifier le mouvement ou interpeller les députés ? Pour résister aux attaques du gouvernement et mettre un coup d’arrêt à sa politique, faut-il compter sur nos Assemblées Générales ou sur l’Assemblée Nationale ? L’Etat est au service des intérêts de la classe dirigeante. Il ne peut être mis au service des nôtres. Vouloir renverser le capitalisme pour construire une autre société implique donc de renverser ses institutions pour en construire de nouvelles, par en bas.

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Articles/formation d’avril 2010 au sujet de la répression et du sujet de l’insécurité