80 ans après Juin 36, la grève générale est-elle encore possible ?

Le mouvement de grève générale de Mai-Juin 1936 a constitué un renouveau du mouvement ouvrier français et l’a influencé de façon déterminante : occupations d’usines (utilisées pour la première fois comme méthode d’action), conquêtes sociales provocant de profondes modification des rapports entre patrons et ouvriers, etc. Quatre-vingt ans après, la grève générale est-elle encore d’actualité ?

La grève générale est une nécessité !

«?Ainsi que tout marxiste le sait, la grève générale constitue l’un des moyens de lutte les plus révolutionnaires. La grève générale n’est possible que lorsque la lutte des classes s’élève au-dessus de toutes les exigences particulières et corporatives, s’étend à travers tous les compartiments des professions et des quartiers, efface les frontières entre les syndicats et les partis, entre la légalité et l’illégalité, et mobilise la majorité du prolétariat en s’opposant de façon active à la bourgeoisie et à l’État.?».

Comme le souligne Léon Trotski en 1905, la grève générale comporte les caractéristiques d’être une grève regroupant des travailleurs de différents secteurs de l’économie et dont la finalité, les buts sont interprofessionnels. La participation conjointe du secteur privé et du secteur public entraine une paralysie non seulement des usines mais aussi de toute une série d’institutions de l’État : chemin de fer, gaz, etc. Surtout, la grève générale est une grève qui s’inscrit dans la durée : parce qu’elle libère de façon provisoire des contraintes matérielles, des pressions sociales ou encore familiales, qu’elle dégage du temps pour penser et s’organiser, elle constitue un moyen essentiel d’élever la conscience des intérêts qu’ont en commun les jeunes et les travailleurs, antagonistes aux intérêts des capitalistes et la possibilité pour les salariés de remettre en cause ces derniers. Ce qu’une ou deux journées de grève isolées ne permettent généralement pas… Ainsi, la grève générale est caractérisée par une atmosphère d’affrontement global entre les classes, entre la bourgeoisie dans son ensemble et la classe ouvrière dans son ensemble, même si la participation des travailleurs à cette grève n’est pas de l00%.

La grève générale est plus que jamais d’actualité !

Si le XIXème et le XXème siècle ont été marqués par plusieurs moments de grève générale, qu’en est-il aujourd’hui ? Beaucoup s’accordent à penser que ce moyen de lutte ne serait désormais plus d’actualité. En effet, les détracteurs de la grève générale pointent une dispersion du prolétariat, une diversification et une précarisation grandissant comme autant d’obstacles à son organisation et à l’émergence d’une conscience commune.

Mais si ces transformation profondes de la classe ouvrière sont incontestables, la situation actuelle est à bien des égards similaire à celle du début du XXème siècle. L’image fantasmée des ouvriers en bleu de chauffe, regroupés dans de grands bastions ouvriers, largement politisés, organisés politiquement et syndicalement est à nuancer lorsqu’on sait qu’en France l’emploi industriel est resté longtemps saisonnier, que les grandes concentrations ouvrières ont tardé à émerger et que jusqu’à tard une majorité d’ouvriers etaient dispersés dans des ateliers de type artisanaux. Pourtant, au début du XXe siècle, bien que le prolétariat soit minoritaire dans la société, dispersé, précarisé, diversifié en de multiples hiérarchies internes, il existe un mouvement ouvrier puissant et influant. Ce qui fait la spécificité de la classe ouvrière que nous connaissons aujourd’hui ne constitue donc pas
forcément un
obstacle insurmontable
à ses luttes.

Emma (P1)