1936: la force des travailleurs c’est la grève mais il faudra aller plus loin

Il y a 80 ans, plus de 2 millions de travailleurs en France se mettaient simultanément en grève lors du grand mouvement de mai et juin 1936. L’Histoire a surtout retenue l’élection du Front Populaire et le caractère festif des occupations d’usines. Pourtant les grandes conquêtes sociales obtenues durant cette période, comme les congés payés ou la semaine de 40h, n’était pas du tout present dans le programme du Front Populaire. Ces acquis sociaux ont été arrachés par la lutte acharnée des ouvriers. Le gouvernement du Front Populaire a surtout joué un rôle d’apaisement de la situation en empêchant la classe ouvrière d’aller plus loin dans la remise en cause du capitalisme. Afin de commémorer les 80 ans de l’anniversaire de cette événement, nous vous proposons de revenir sur son expérience historique et d’en tirer les bilans politiques
pour renforcer notre combat anticapitaliste d’aujourd’hui.

La remontée des luttes ouvrières à partir de 1934

En 1934, la France subit de plein fouet la crise économique, débuté quelques années auparavant aux Etats Unis. Des milliers d’usines ferment et mettent au chômage près de 3,5 millions d’ouvriers, ce qui correspond à 25 % de la population active. Le chômage de masse pese aussi sur les travailleurs qui ont encore un emploi. La peur de perdre son boulot permet aux patrons d’imposer des reculs sociaux important.
Dans cette situation les ligues fascistes se renforcent très vite et gagnent des militants dans les rangs de la petite bourgeoisie ruinée qui hait autant le système que le mouvement ouvrier. Ces groupes fascistes commencent à attaquer des juifs, des syndicalistes, des pichets de grève.Le 6 février 1934, elles organisent une grande manifestation contre la corruption qui touche le gouvernement à majorité Radical. Le défilé se termine par une fusillade qui fait 14 morts du coté des manifestants.
Pour la classe ouvrière c’est la goute d’eau de trop. Quelque mois auparavant elle a vue Hitler arriver au pouvoir en Allemagne et exterminer l’ensemble du mouvement ouvrier. Le défilé des ligues fascistes marque le début d’une remonté sans précédent dans la combativité ouvrière en France. Face à la politique désastreuse du PCF qui place la SFIO ( Le parti socialiste) au même rang que les fascistes, la classe ouvrière impose l’unité d’action des militants ouvrier par le bas. Le 12 fevrier, les militants communistes de base rejoignent le cortège de la CGT ( syndicat dirigée par la SFIO) qui appelle à la grève générale en criant « unité, unité ».

La fondation du Front Populaire et la victoire électorale

La grève générale du 12 février marque un tournant dans la conscience ouvrière. L’unité d’action se construit peu à peu dans les usines pour s’opposer aux attaques de groupes fascistes mais aussi pour relever la tête face aux patrons. Le PCF, sous les ordre de Moscou, change alors sa politique à 180°. Staline qui craint une invasion de Hitler contre l’URSS, exige des partis communistes la construction de front électoral avec une partie de la bourgeoisie pour stopper les fascistes. En France, les communistes sont à l’origine du lancement du front populaire qui regroupe les socialiste de la SFIO mais aussi le parti radical, incarnant les intérêt de la petite bourgeoisie. Plutôt que de s’appuyer sur la radicalité que commence à provoquer l’unité d’action ouvrière dans les usines, le PCF fait tous pour freiner les ardeurs des travailleurs pour conserver l’unité électoral avec le parti radical. Lors d’un meeting commun du front populaire le 14 juillet 1935, les dirigeants du PCF n’hésite pas à faire chanter la Marseillaise à leur militants avec le drapeau tricolore et font référence dans leur discourt à Jeanne d’Arc et même à la victoire de Verdun.. Le programme du Front Populaire fait preuve de la même modération, il ne contient

quasiment aucun engagement précis. Le 3 mai 1936, le rassemblement des 3 partis de Front Populaire remporte les élections législatives avec près de 56 % des voix. La SFIO qui arrive en tête est appelée à former un gouvernement sous l’égide de Leon Blum.

La grève générale débute

Alors que le gouvernement de Leon Blum n’est même pas encore en place, il faut un mois de délai entre l’élection législative et le remplacement du gouvernement, les travailleurs commencent à se mettre massivement en grève. Cette irruption des masses sur la scène politique peut s’expliquer par un mélange entre une certaine dose d’espoir, d’impatience mais aussi de méfiance envers le nouveau gouvernement. Le 11 et le 13 mai, des grèves avec occupations d’usines obtiennent des victoires éclatantes au Havre et à Toulouse. Le 24 mai, une manifestation en hommage aux victimes de la Commune de Paris rassemble 600 000 personnes. Dès le 2 juin, la grève se répend comme une trainée de poudre dans tous le pays et elle touche vraiment tous les secteurs. Les plus combatifs comme dans la métallurgie sont massivement mobilisés mais des secteurs qui ont moins l’habitude de lutter comme les garçons de cafés à Paris ou même les coiffeurs rentrent aussi dans le mouvement. Les occupations d’usines visibilisent le caractère politique de la grève générale. La propriété privée des moyen de production est clairement remise en cause quand les patrons ne peuvent plus aller dans leurs bureaux sans l’autorisation du comité de grève et sans être accompagné, comme c’est le cas dans de nombreuses usines.

Les accords de Matignon et la fin de la grève

Face à cette grève générale d’une ampleur sans précédent en France, le patronat s’affole et demande au nouveau gouvernement Blum de convoquer des négociation nationale avec la CGT pour calmer le mouvement. Ces négociations se tiennent à Matignon les 7 et 8 juin. Le patronat est près à lâcher un peu plus de 10 % d’augmentation de salaires et la garantis de nouveaux droits syndicaux en échange de la promesse de la CGT de faire évacuer les usines. La CGT accepte mais s’adresse ainsi au patronat « C’est maintenant que vous allez peut être regretter d’avoir systématiquement profité des années de déflation et de chômage pour exclure de vos usines tous les militants syndicalistes. Ils ne sont plus là pour exercer sur leur camarade l’autorité qui serait nécessaire pour exécuter nos ordres. » Malgré ces accords, la grève générale reprend de plus belle. Le gouvernement, toujours avec l’aval du patronat et de la droite, promet alors de voter de nouvelles mesures en hâte comme les congés payés ou la semaine de 40h. La grève ne s’arrête toujours pas mais mise à part quelque cas spécifiques, peu d’usines mettent en place le contrôle ouvrier sur la production. Il manque une force politique capable de proposer d’aller plus loin et de remettre en cause le pouvoir des patrons dans l’entreprise. Le PCF qui a accompagné le mouvement, n’a aucunement l’intention de jouer ce rôle. A partir du 11 juin, il va tout faire pour stopper la grève et son principal dirigeant Maurice Thorez, prononce son célèbre discourt : « il faut savoir terminer [une grève] dès que satisfaction a été obtenue. Il faut même savoir consentir au compromis si toutes les revendications n’ont pas encore été acceptées mais que l’on a obtenu la victoire sur les plus essentielles revendications… ». Ces paroles qui peuvent paraître pleines de bon sens en de multiples occasions, sont totalement aberrantes au moment ou la classe ouvrière est forte de plusieurs millions de grévistes. Et même si les revendications obtenues paraissent énorme, la bourgeoisie à gardé tous son pouvoir économique et elle s’apprête déjà à reprendre de la main droite ce qu’elle a lâché de la main gauche. Grace au poids qu’il a dans la classe ouvrière, le PCF réussie pourtant à stopper la grève à partir de la mi juin.

La bourgeoisie reprend l’offensive

A peine la grève générale se termine que la bourgeoisie commence à reprendre ce qu’elle a cédé. Dans certaines usines les accords de Matignon ne seront jamais appliqués, dans d’autre les ouvriers doivent réoccuper plusieurs fois l’usine en juillet pour imposer leurs revendications. Le patronat a aussi provoqué une augmentation générale des prix pour récupérer les augmentations de salaires qu’il avait concédé. Entre avril 1936 et avril 1937, le prix des vêtements augmente de 62 % tendis que les denrées alimentaires augmentent de 30 %. Enfin le gouvernement Blum va tomber dans son propre piège. A force de vouloir respecter la légalité bourgeoise, le gouvernement qui laisse tous le pouvoir dans les mains de la bourgeoisie se fait renverser. En 1938 les 200 familles les plus riches de France provoquent une fuite géante de capitaux. L’état français est ruiné et Blum est contraint de démissionner. Le gouvernement Daladier qui lui succède revient sur la plupart des mesures obtenues pendant la grève générale. Puis en 1939 la même assemblée nationale vote les pleins pouvoir à Pétain. L’objectif du PCF de lutter contre le fascisme en s’alliant avec une partie de la bourgeoisie était perdu d’avance. Le fascisme n’est que le produit d’une période de pourrissement du capitalisme dans laquelle l’aiguisement de la lutte des classes contraint la bourgeoisie à avoir recours à des régimes autoritaires. Dans une situation aussi tendue que celle des années 30, le seul véritablement moyen de lutter contre le fascisme aurait été de se fixer comme objectif de renverser le capitalisme.