50 ans après la révolution cubaine, Capitalismo no, Cuba si !
Cette année était célébré l’anniversaire de la révolution cubaine. 50 ans se sont écoulés depuis le triomphe de la révolution cubaine. Les dirigeants historiques de la révolution sont morts ou ont vieilli et Fidel Castro a laissé les rênes du pays à son frère Raul qui lui a succédé à la tête de l’Etat en juillet 2008.
Que reste-t-il aujourd’hui des acquis de la révolution cubaine ? Comment empêcher la restauration du capitalisme à Cuba ? Comment s’appuyer sur les acquis de la révolution cubaine et sur l’actualité des processus révolutionnaires ou progressistes en Amérique centrale et du Sud pour avancer des perspectives anticapitalistes ?
Retour sur Cuba et la révolution cubaine
Qu’est ce que Cuba ?
Cuba est une île de 110 861 km² et compte aujourd’hui 11 423 952 habitants. Les deux les seules ressources de l’île sont la canne à sucre et le tabac. L’île a été une colonie espagnole de 1492 à 1898. En 1959, Cuba a été proclamée République socialiste.
Aperçu de la révolution cubaine
Cuba a été la dernière colonie de l’Espagne en Amérique latine. Cuba était alors un pays de plantations tropicales exploitées grâce à une main d’œuvre esclave. En 1841, sur une population de un million de personnes, près de 400 000 étaient soumises à l’esclavage. La société d’alors était typiquement esclavagiste. Les expagnols contrôlaient le commerce et l’administration et les cubains riches étaient maîtres des plantations.
En 1868 débuta la première guerre d’indépendance. Les secteurs les plus modestes du peuple cubain luttèrent pendant dix ans avant de tomber écrasés. C’est alors que le Général Antonio Maceo repoussant le cessez-le-feu et la paix sans indépendance, devint le symbole de la lutte du peuple cubain. Il ne voulait pas de paix sans indépendance, ni sans l’abolition de l’esclavage. L’esclavage fut aboli en 1886 comme une conséquence inévitable de la guerre de Dix Ans.
Les Cubains reprirent à nouveau les armes pour l’indépendance en 1895. La lutte cette fois avait été préparée. Elle fut conduite par José Marti et un parti s’organisa pour diriger la révolution. Sans ressources, sans approvisionnement, sans logistique, et avec une population qui dépassait à peine un million et demi d’habitants, le peuple de Cuba se battit contre 300 000 soldats coloniaux. L’Espagne était alors une des plus importantes puissances militaires de l’Europe. Au fil de la guerre d’indépendance, l’Espagne s’épuise et ne contrôle plus que les grandes places fortes. Les révolutionnaires quant à eux contrôlent la campagne et les communications intérieures. En 1898 se produisit l’intervention militaire nord américaine. La guerre impérialiste se solda par l’occupation militaire de Cuba, des Philippines et de Porto Rico. La lutte des cubains permit que l’île ne soit pas annexée immédiatement et l’indépendance formelle lui fut accordée le 20 mai 1902. Cependant, des bases militaires nord américaines étaient installées dans l’île et un amendement constitutionnel donnait aux Etats-Unis le droit d’intervenir à Cuba. En 1902, le pays avait tout simplement changé de maître. L’armée révolutionnaire de libération fut dissoute, des gouvernements dociles successifs furent imposés au pays par les Etats-Unis et une armée de mercenaires fut créée par les troupes d’occupation. Les investissements des Etats-Unis à Cuba qui s’élevaient à 50 millions de dollars en 1896 sont passés à 160 millions en 1906, à 205 millions en 1911 et à 1200 millions en 1923. Les Etats-Unis détenaient les trois quarts de l’industrie sucrière, principale ressource de l’île. Cuba devenait ainsi une république néo colonisée servant de grenier de ravitaillement aux Etats-Unis et servant exclusivement les intérêts de la puissance impérialiste.
L’amendement Platt avec sa clause constitutionnelle donnant le droit aux Etats-Unis d’intervenir militairement en cas d’atteinte à l’ordre institué pesa lourdement sur la capacité révolutionnaire du peuple cubain puisque toute lutte pouvait potentiellement conduire à l’occupation militaire de l’île par une puissance beaucoup plus importante que l’Espagne.
Après quelques décennies, les années 1933 à 1935 furent marquées par une poussée révolutionnaire à Cuba mais qui fut brisée par l’impérialisme yankee. Le processus révolutionnaire fut écrasé dans le feu et dans le sang avec la complicité des classes réactionnaires cubaines et grâce à la trahison du Général Fulgencio Batista qui accéde alors une première fois au pouvoir et n’aura de cesse de renforcer le caractère éminemment militaire, bourgeois et pro-impérialiste du régime. La lutte énergique du peuple cubain permit néanmoins d’obtenir l’abolition de l’amendement Platt même si dans la pratique, les Etats-Unis continuaient de se réserver de fait le droit d’intervenir dans n’importe quel pays d’Amérique centrale ou du Sud. En 1944, Batista perd les élections et s’éloigne du pouvoir en emportant des dizaines de millions de pesos. Le 10 mars 1952 se produisit le coup d’Etat militaire de Batista par lequel celui-ci revient au pouvoir pour ne le quitter que lorsqu’il en sera chassé par la révolution.
A partir de 1956, le Che, Fidel Castro et leurs compagnons se lancent dans la révolution cubaine pour renverser la dictature militaire de Batista soutenu par les États-Unis. Après l’échec du débarquement du Granma le 2 décembre 1956, les rebelles cubains vont se réorganiser dans la Sierra Maestra. Plusieurs années de combat vont opposer quelques dizaines de rebelles aux 40 000 soldats de l’armée de Batista. Au fil du temps, les rebelles vont se renforcer et avancer progressivement vers La Havane. Le 30 décembre 1958, le Che à la tête d’une colonne de 148 rebelles va réussir à reprendre la ville de Santa Clara des mains de l’armée de Batista. C’est alors le début de la grande offensive. La dictature va s’effondrer, Batista s’enfuit de La Havane paralysée par la grève générale. La grève générale révolutionnaire de la classe ouvrière contribua de façon décisive à la victoire de la révolution. Le 2 janvier 1959, les troupes révolutionnaires pénètrent dans La Havane et c’est la victoire de la révolution cubaine.
Les conquêtes de la révolution
Avant la révolution, Cuba n’était rien d’autre que « le bordel des Etats-Unis » et un centre majeur d’investissement pour les Etats-Unis ainsi qu’un pôle stratégique afin de garder la main mise sur l’ensemble de l’Amérique centrale et du Sud. La première des conquêtes de la révolution cubaine a été de libérer Cuba du joug de la dictature et de l’impérialisme des Etats-Unis. La destruction du capitalisme à Cuba a ainsi joué un rôle central dans les possibilités de développement d’alternatives progressistes voire socialistes sur le reste du continent et cela demeure le cas aujourd’hui. Le triomphe de la révolution cubaine a également permis, outre la destruction du capitalisme à Cuba, la réalisation d’une série de mesures sociales majeures dont encore aujourd’hui, bien des pays dits « développés » feraient bien de s’inspirer et ce tant en matière de logement que de santé, d’éducation ou d’alimentation.
Une des premières mesures de la révolution fut de châtier de façon exemplaire les principaux responsables des crimes commis par la tyrannie de Batista. De la même façon, on procéda à la confiscation immédiate de tous les biens obtenus malhonnêtement par les fonctionnaires du régime sanglant. L’ancienne armée qui avait participé à la répression du peuple fut entièrement dissoute et remplacée par l’ « Ejercito Rebelde » qui selon les paroles de Camilo Cienfuegos « représentait le peuple en uniforme ».
Le régime révolutionnaire a également décidé l’expropriation et la nationalisation sans compensation des biens américains. L’histoire de la révolution cubaine est aussi l’histoire d’un bras de fer entre les Etats-Unis et Cuba. Pour les Etats-Unis, Castro est l’homme à abattre et il sera l’objet de 638 tentatives d’assassinat. D’ailleurs, dès 1960, l’embargo commercial des Etats-Unis contre Cuba vient sanctionner le nouveau régime et rend la situation très difficile pour les cubains et le pouvoir révolutionnaire nouvellement en place.
Au lendemain de la prise du pouvoir, le gouvernement nationalise 90% du secteur industriel et 70% des terres agricoles. Le gouvernement cubain met en place une économie planifiée. La plupart des moyens de production sont contrôlés par l’État et la plupart de la main-d’œuvre est employé dans le secteur public. Ces dernières années le secteur privé s’est développé. En 2000, le secteur public représentait 77,5% des emplois et le secteur privé 22,5% alors qu’en 1981 le rapport était de 91,8% et 8,2%. L’investissement est réglementé et la plupart des prix sont fixés par les autorités publiques.
L’intégration de Cuba dans le COMECON (Conseil d’assistance économique mutuelle regroupant l’URSS, la Bulgarie, la Tchécoslovaquie, la Hongrie, la Pologne, la Roumanie, la République Démocratique Allemande, l’Albanie, la Yougoslavie, la Mongolie, le Viêt-Nam et Cuba) lui offre une association internationale articulée et stable mais place également Cuba dans une nouvelle situation de dépendance en particulier à l’égard de l’URSS.
Préserver les acquis de la révolution cubaine et relever de nouveaux défis
Les conséquences de la chute de l’URSS
La chute de l’Union soviétique et du COMECON qui priva l’île de ses principaux partenaires commerciaux et l’embargo des États-Unis eurent de lourdes conséquences sur l’économie cubaine. L’économie cubaine dépendait de l’aide et des débouchés du COMECON. L’Union soviétique achetait le sucre cubain à un prix supérieur au prix du marché et fournissait du pétrole à bas prix. En 1992, le niveau des échanges avec les pays de l’ex-COMECON représentait moins de 7% du niveau de 1989. Dans le même temps, le PNB cubain chuta de plus de 35%, les revenus par habitant de 39%.
Face à cette crise économique, Cuba libéralisa un peu son économie. Le développement d’entreprises privées de commerce et de manufactures fut permis, ainsi que la légalisation du dollar américain dans les magasins pour un temps (non permis depuis 2004). Le tourisme fut aussi encouragé. En 1996, l’activité touristique représentait plus que la culture de la canne à sucre en termes de devises. 1,9 million de touristes ont visité l’île en 2003, pour l’essentiel des touristes venant du Canada ou de l’Union européenne, générant 2,1 milliards de dollars de revenus.
Jusqu’à l’effondrement de l’Union soviétique, le soutien mutuel entre Cuba et l’URSS permet à Cuba de faire face à l’embargo tout en réalisant un certain nombre de mesures en faveur de la population cubaine : disparition de l’analphabétisme, gratuité des soins de santé… Avec la chute de l’URSS, Cuba va se retrouver d’autant plus isolée et confrontée encore plus directement aux difficultés liées à l’embargo : les meilleurs médecins de la planète mais aucun médicament dans les pharmacies… L’ouverture accrue au tourisme, décidée par Castro après l’effondrement de l’URSS, a vocation à relancer l’économie cubaine mais la contrepartie de ce tournant économique est le développement chez les cubains d’une vision déformée du monde extérieur, l’impression que tout est mieux ailleurs qu’à Cuba. Or, malgré les difficultés économiques, les dysfonctionnements du régime et en particulier l’absence de libertés démocratiques (pas de liberté d’association, ni de liberté d’expression, l’accès à internet est contrôlé…), Cuba reste un pays où peu de gens meurent de faim et où l’ensemble de la population dispose d’un logement à coût très réduit, bénéficie d’une éducation et de soins de qualité.
Aujourd’hui, Cuba est redevenue une économie sucrière dépendante d’un marché unique qu’est le marché du sucre, avec peu de possibilités d’en sortir. Mais Cuba ne dépend plus uniquement d’un seul partenaire et est parvenue à développer une insertion « polycentrique » autour de trois axes que sont le Venezuela, la Chine et quelques pys développés.
Au moment de la chute de l’URSS et du « camp socialiste », nombreux furent ceux qui pensaient que le socialisme allait s’effondrer à Cuba également. Mais, les dirigeants cubains ont vite vu que l’option à suivre était de résister par tous les moyens : c’était à la fois nécessaire et possible. Dès 2005, dans un discours, Fidel Castro affirme que les cubains eux-mêmes peuvent détruire « leur socialisme », notamment à cause de la corruption. Plus que de corruption, il conviendrait de parler de super étatisation, de bureaucratisation et de routinisation du système, autant de dangers que Cuba devra surmonter pour poursuivre la construction d’un modèle de société qui ne soit pas celui d’une société capitaliste reposant sur l’exploitation de l’homme par l’homme. De plus, la politique d’encerclement des Etats-Unis demeure même si le centre principal de cette politique a tendance à se déplacer vers le Venezuela qui dispose des secondes plus grandes réserves mondiales de pétrole et qui fait partie des principaux fournisseurs des Etats-Unis en la matière. Une agression militaire directe des Etats-Unis ou leur soutien à un coup d’Etat militaire à Cuba ou au Venezuela continuent de constituer un risque réel et une menace pour l’ensemble des processus progressistes à l’œuvre en Amérique centrale et du Sud.
Le poids de l’embargo des Etats-Unis
L’embargo des États-Unis contre Cuba (« el bloqueo » = « le blocus ») est un embargo économique, commercial et financier à l’égard de Cuba par les Etats-Unis. En 2009, il est toujours en place, faisant de lui le plus long embargo commercial de l’histoire moderne. Il a été renforcé sous la présidence de George W. Bush, mais légèrement assoupli sous la présidence de Barack Obama : en mars 2009, le Congrès autorise les citoyens américains d’origine cubaine à se rendre à Cuba une fois par an ; puis, le 13 avril 2009, le président annonce la fin des restrictions sur les voyages et les transferts d’argent des Américano-Cubains vers l’île. Il est toujours interdit d’envoyer de l’argent à des membres de la fonction publique ou de l’armée cubaine, et l’embargo est, pour sa plus grande partie, maintenu. L’objectif de cet assouplissement n’est autre que de renforcer l’asphixie du pays et d’accroître les contradictions dans la société cubaine entre acquis réels de la révolution et illusions que le monde extérieur est paradisiaque. L’assouplissement de l’embargo et les mesures prises par l’administration Obama ont vocation à donner l’illusion aux cubains que c’est le paradis partout ailleurs et que les problèmes cubains n’ont rien à voir avec l’impérialisme… De même, l’embargo a toujours vocation à empêcher Cuba de pouvoir subvenir pleinement à l’ensemble des besoins de la population… Malgré l’assouplissement opéré, Obama continue de défendre l’embargo comme le soi-disant moyen d’exercer une « pression démocratique » sur l’île. L’embargo et la politique des Etats-Unis depuis plus de 50 ans ont coûté à Cuba plus de 100 milliards de dollars et les agressions militaires ou attaques terroristes des Etats-Unis ou de leurs alliés ont entraîné la mort de 3 478 cubains. Pour la seule année 2008, le gouvernement des Etats-Unis a dégagé plus de 47 millions de dollars aux fins de détruire la révolution.
Nouvelle situation, nouveaux défis pour Cuba aujourd’hui
L’après Castro a commencé officiellement le mardi 19 février 2008 avec la publication du dernier message du Commandant en chef annonçant « qu’il n’accepterait pas la charge de président du Conseil d’Etat et de Commandante en jefe ». En réalité, Fidel Castro avait délégué ses attributions à son frère Raul Castro dès le 31 juillet 2006. Avec Raul Castro, le régime cubain se dote d’un successeur à la santé aussi fragile que celle de son frère aîné Fidel. La transition ne saurait donc être trop longtemps maintenue. Quoi qu’il en soit, l’après Castro ne devra pas être l’occasion d’une remise en cause des acquis de la révolution cubaine en matière d’éducation, de santé… De même, Cuba devra résister aux diverses offensives impérialistes visant à reprendre directement ou indirectement le contrôle de l’île. « Patria o muerte » était le slogan préféré de Fidel Castro. Dans la continuité de ce slogan, jamais Cuba ne doit redevenir une colonie des Etats-Unis.
La transition entre Fidel et son frère Raul a vu l’émergence d’un intense débat sur l’avenir du socialisme à Cuba et ce aussi bien chez les opposants du socialisme que chez ses défenseurs. Le dilemme cubain est ainsi résumé par Aurelio Alonso : « Sortir du chaos sans tomber sous la domination de la loi de la jungle ». Pendant les mois de septembre et octobre 2007, près de 5 millions de cubains sur 11,5 millions ont participé à des réunions de toutes sortes (réunions syndicales, fédérations d’étudiants, groupe de femmes, conseils municipaux…) débouchant sur l’émergence de plus d’un million de propositions concrètes pour l’avenir de l’île. Le 3 mars 2009, après une nouvelle année de réunions de masse, le Conseil d’Etat a annoncé une restructuration de l’Etat confrontée notamment au problème du passage de la légitimité révolutionnaire incarnée par Fidel à une nouvelle légalité institutionnelle sans pour autant démanteler les conquêtes de la révolution.
Le « socialisme sui generis » édifié à Cuba a certes engendré logement gratuit pour tous, santé et éducation publiques pour tous et de haut niveau ainsi que de formidables acquis en sciences, sport, culture et environnement mais les contradictions du système cubain rattrapent le pays et mettent en péril les conquêtes de la révolution menacées lourdement par une éventuelle restauration du capitalisme sur l’île.
Alors que 3 millions de cubains ont moins de 20 ans, la nouvelle génération n’a connu rien d’autre que la « période spéciale » qui a suivi la chute de l’URSS. Les jeunes générations voient la dictature de Batista comme de l’histoire ancienne enseignée dans les livres d’école. Les conquêtes sociales que sont l’éducation et la santé gratuites, le logement et le plein emploi ne suffisent pas à répondre aux aspirations de cette nouvelle génération qui n’a connu que la crise et les difficultés en tous genres.
Le système cubain est trop étatisé, très bureaucratisé, avec un niveau très limité de participation populaire dans les mécanismes de décision et ce bien que l’article 112 de la Constitution cubaine garantisse toujours que « le mandat des délégués des Assemblées locales est révocable à tout moment » par les citoyens. L’Assemblée nationale par exemple est électoralement démocratique (mode d’élection) mais a un pouvoir très limité pour prendre une quelconque décision, ne se réunissant que deux fois par an et pour simplement avaliser une série de décisions prises dans d’autres sphères, qu’il s’agisse du Bureau politique du Parti communiste cubain ou du cercle dirigeant de l’Etat autour de Fidel Castro. Le rôle du Parti communiste cubain doit être changé : le parti ne peut diriger le pays, c’est le peuple qui doit le faire.
Les réformes économiques des années 1990 pour faire face à l’effondrement de l’URSS et du COMECON ont déstabilisé la société cubaine et ont conduit à la création d’une nouvelle strate sociale. Avec l’autorisation des marchés libres paysans, l’autorisation des activités privées et coopératives dans l’agriculture et le développement du tourisme ainsi que le développement du système de la double monnaie, on a assisté à une explosion des inégalités. La population urbaine vivant sous le seuil de pauvreté et dont les besoins élémentaires ne sont pas satisfaits est passée de 6,3% en 1988 à près de 20% en 2000. Ces réformes ont généré de nombreuses inégalités et ce en particulier en raison du système de double monnaie conduisant à un fossé de plus en plus important entre ceux qui ont accès au dollar puis au CUC (« peso convertible ») grâce au tourisme, aux entreprises mixtes ou aux revenus de l’extérieur et ceux qui n’y ont pas accès et qui doivent se contenter de la « parte socialista » de l’économie (services du gaz, de l’électricité, du téléphone…) et doivent survivre avec l’équivalent de quelques dollars par mois, un logement, la santé et l’éducation gratuites ainsi que « la libreta » (livret de rationnement) qui généralement ne permet de s’alimenter que pendant 10 à 12 jours dans le mois.
Si des mesures immédiates ne sont pas prises afin que la population comprenne que son niveau de vie va s’améliorer et que la société va gagner en démocratie, il y aura peu de forces au monde pour sauver la Révolution et ses conquêtes. Si depuis juin 2002, Fidel Castro a fait modifier la Constitution pour y inscrire « le caractère irrévocable du socialisme », cela ne demeurera que des mots sur un bout de papier si des mesures concrètes ne sont pas prises.
Nombre « d’amis de la révolution » tels qu’Aurelio Alonso préconisent le passage de l’économie actuelle très étatisée à une économie plus flexible mais où l’Etat ne perde pas son pouvoir économique, c’est-à-dire ni le contrôle intégral de l’appareil économique national, ni son rôle principal dans les entreprises en tant qu’investisseur, ni dans les secteurs clés. Mais, l’Etat doit également laisser de l’espace à d’autres formes de propriété comme la propriété coopérative ou l’économie familiale. Dans le même sens, une plate forme de propositions programmatiques est en train d’émerger en vue du prochain Congrès du Parti communiste cubain qui devrait se tenir à l’automne 2009. Cette plate forme intitulée « Cuba a besoin d’un socialisme démocratique et participatif » plaide pour une série de mesures immédiates telles que la création de conseils de travailleurs qui contrôleraient les décisions dans les lieux de travail, une réforme du système électoral pour une plus grande participation démocratique, la légalisation du droit de libre expression et libre association, l’autorisation des courants et tendances au sein du Parti communiste cubain, l’abolition de la permission nécessaire pour sortir du pays, le libre accès à internet.
Si de telles mesures semblent pouvoir aller dans le bon sens, il est bien évident que seule une véritable politique économique visant à l’approfondissement de la construction d’une économie et d’une société fondées sur le recensement des besoins de la population et la planification de la production aux fins de satisfaire ces besoins et ce sous le contrôle des travailleurs et des travailleurses pourra réellement approfondir la construction du socialisme à Cuba et prévenir toute restauration du capitalisme sur l’île. La situation actuelle impose à Cuba de s’appuyer sur les acquis de la révolution cubaine et sur les dynamiques qui sont à l’œuvre dans le continent pour approfondir la lutte contre le capitalisme et l’impérialisme dans l’ensemble de l’Amérique centrale et du Sud. En effet, les solutions aux problèmes que rencontre la société cubaine ne seront pas uniquement cubaines mais devront être pensées en lien avec les processus progressistes voire socialistes à l’œuvre dans le reste du continent.
Actualités de la révolution en Amérique centrale et du Sud
Une question majeure demeure : quelles sont les conditions dans lesquelles un petit pays comme Cuba peut construire un développement durable, autonome face à l’impérialisme et à la superpuissance capitaliste que sont les Etats-Unis ? C’est à cette question que l’ALBA cherche à donner un commencement de réponse.
En avril 2005, Cuba et le Venezuela créent l’Alternative bolivarienne pour les Amériques (ALBA), organisation de coopération sociale, politique et économique. Celle-ci a depuis été rejointe par la Bolivie, le Nicaragua, la Dominique et le Honduras. En avril 2009, les pays membres approuvent l’idée de la création d’une monnaie commune, le « SUCRE » (acronyme pour « Système Unique de Compensation Regional », du nom d’Antonio José de Sucre), visant à réduire leur dépendance au dollar.
La situation politique et les processus en cours dans une série de pays d’Amérique centrale et du Sud tels que le Venezuela, la Bolivie, l’Equateur mais aussi la récente grève générale au Honduras face au coup d’Etat scandaleux dont a été victime le président Zelaya, démontrent une fois de plus l’actualité de la révolution dans l’ensemble du continent et l’importance de contrecarrer toute restauration du capitalisme à Cuba pour renforcer le camp progressiste et révolutionnaire dans l’ensemble du continent.
Les réponses aux problèmes liés à la construction du socialisme à Cuba ne seront pas exclusivement cubaines car il est illusoire de croire que le socialisme puisse se construire dans un seul pays. La seule perspective qui puisse permettre de poursuivre l’édification d’une société réellement anticapitaliste à Cuba repose sur l’approfondissement des processus révolutionnaires ou progressistes à l’oeuvre dans le continent et sur des liens renforcés entre les sociétés qui tentent de construire une alternative anticapitaliste, que ces liens passent par l’ALBA ou par d’autres échanges fondées sur la coopération fraternelle entre les peuples et non sur la domination d’un Etat par un autre. Le socialisme sera mondial ou ne sera pas ! Pour la révolution mondiale prolétarienne, pour les Etats-Unis socialistes d’Amérique centrale et du Sud, Capitalismo NO, Cuba SI !
Dimitri (Comité Jeunes 92 Nord)