Depuis la fin des années 80, les systèmes éducatifs des pays industrialisés sont soumis à un feu
roulant de critiques et de réformes : décentralisations, déréglementations, autonomie
croissante des établissements scolaires, allègement et dérégulation des programmes, «
approche par les compétences », diminution du nombre d'heures de cours pour les élèves,
partenariats avec le monde de l'entreprise, introduction massive des TIC, stimulation de
l'enseignement privé et payant. Il ne s'agit pas là de lubies personnelles de quelques ministres
ou d'un fait de hasard. La similitude des politiques éducatives menées dans l'ensemble du
monde capitaliste globalisé ne laisse planer aucune doute quant à l'existence de puissants
déterminants communs, impulsant ces politiques.
La thèse soutenue ici est que ces mutations sont le fait d'une mise en adéquation profonde de
l'École avec les nouvelles exigences de l'économie capitaliste. Ce qui est en cours de
réalisation, c'est le passage de l'ère de la « massification » de l'enseignement à l'ère de sa «
marchandisation ». De sa triple marchandisation faudrai-il dire. En effet, l'appareil scolaire -
le plus imposant service public qui ait jamais existé - est appelé à servir mieux et davantage la
compétition économique, et ce de trois façons : en formant plus adéquatement le travailleur,
en éduquant et en stimulant le consommateur et enfin en s'ouvrant lui-même à la conquête
des marchés.
Cette nouvelle adéquation entre l'École et l'économie se réalise tant sur le plan des contenus
enseignés, que des méthodes (pratiques pédagogiques et de gestion) et des structures. « C'est,
disent les experts de la Commission européenne, en s'adaptant aux caractères de l'entreprise
de l'an 2000, que les systèmes d'éducation et de formation pourront contribuer à la
compétitivité européenne. »