« C’est le capitalisme qui vient mettre ses griffes et nous prendre le plaisir de vivre »
Les politiciens de tous bords défilent et rivalisent, d’un côté à qui sera le plus à droite et le plus abject dans le nationalisme et le racisme, de l’autre à qui sera le plus écolo et faiseur de promesses sans lendemain, tous pour défendre l’« industrie nationale », c’est-à-dire le monde du patronat, dont les multinationales françaises et leurs sous-traitants. C’est pourtant la course aux profits de ces patrons qui est responsable de la vraie insécurité dans laquelle nous vivons, qui se solde aujourd’hui par 8,9 millions de personnes sous le seuil de pauvreté, un nombre qui augmente.
Travailler plus pour gagner moins ?
Pour augmenter ses profits, le patronat a trois moyens bien rodés : faire travailler plus longtemps, faire travailler de façon plus intense, payer moins de salaire… ou les trois panachés. Dans tous les cas, c’est une dégradation de nos conditions de travail et de vie. En n’augmentant le Smic que du minimum réglementaire, le gouvernement vient d’encourager les patrons à ne pas augmenter les salaires. Pourtant l’inflation se met à galoper en particulier avec les hausses du coût de l’énergie. Pourtant beaucoup d’entre nous n’ont pas vu leur salaire augmenter depuis dix ans.
Et une nouvelle offensive contre les salaires se dessine, par le biais d’un vol sur le temps de travail. Si les bus Transdev d’un certain nombre de villes sont à l’arrêt, c’est qu’une grève s’y développe depuis début septembre. La colère a éclaté contre une arnaque patronale brutale : ne plus considérer comme du temps de travail, payé comme tel, des temps de pause ou des coupures liées à l’activité – pendant lesquelles pourtant les chauffeurs restent en charge de leur bus et de leurs responsabilités professionnelles. Donc ne plus les payer, ou les sous-payer, avec à la clé des pertes de 400 à 500 euros mensuels et des allongements d’amplitude de travail. Comme si un vendeur ou une vendeuse n’étaient plus payés le temps passé dans le magasin, mais le temps strict passé à vendre un jean. On en reviendrait à un genre de travail aux pièces ?
Pas un cas isolé
Voilà pourquoi des bus de Transdev ne roulent plus. Voilà pourquoi – les même causes produisant les mêmes effets – d’autres grèves ont éclaté : celle des éboueurs de Marseille ; celle de travailleuses et travailleurs de Bergams à Grigny (91), fabricant de sandwichs et plats cuisinés pour Air France et Starbucks, où un « accord de performance collective » (APC, une arme offerte par Macron en 2017) a entraîné une baisse de salaire d’au moins 200 euros. Chez Renault aussi, un nouvel accord dit « de compétitivité » ferait sauter le paiement de pauses journalières…
Dans les transports où la grève s’étend, les patrons ne sont pas de petits grigous mais de gros prédateurs. Trois géants se partagent le marché des transports en commun routiers : Transdev (Caisse des dépôts), Keolis (SNCF) et RATP-Dev, tous les trois à capitaux majoritairement publics. Et leur offensive a pour prétexte l’« ouverture à la concurrence » dans la région Île-de-France, avec de nouveaux appels d’offres par lesquels les patrons voudraient faire accepter aux syndicats les pires conditions. Ce qui est sur rail aussi à la SNCF.
Sixième semaine de grève à Transdev
Paroles de grévistes : « On est en 2021 : on devrait moins travailler qu’avant ! Mais on travaille plus et on gagne moins. » Les grévistes de Transdev demandent des journées de huit heures maximum. Une revendication déjà portée il y a plus d’un siècle, en… 1886, par le mouvement ouvrier en plein essor. Dans leur lutte, les grévistes de Transdev reprennent le temps que les patrons leur volent, et construisent le rapport de force capable d’imposer à ces derniers une diminution du temps de travail. Ils n’attendent pas 2022 pour faire de la politique : ils élaborent ensemble ce que devrait être leur travail mais aussi leur vie.
Et si nous toutes et tous, tous ensemble, on montait dans ce bus-là ?