

Interview — « La lutte des sans-facs, c’est une lutte contre les coupes budgétaires menées par l’État »
Interview de Fatou et Marie-Ève, étudiantes sans-facs, membres du collectif des sans-facs de Nanterre
Pouvez-vous vous présenter rapidement ?
Marie-Ève : Moi c’est Marie-Ève, je suis bachelière 2025, et je cherchais une L1 en droit et sciences politiques.
Fatou : Moi aussi, bachelière 2025 ; j’ai demandé une L1 en psycho.
Comment se fait-il que vous n’ayez pas de place à l’université alors que vous êtes bachelières ?
Fatou : on a été mises en attente sur Parcoursup, sans explication concrète, alors qu’on est toutes bachelières, quelquefois avec mention, des très bonnes notes.
Marie-Ève : Nos vœux ont été archivés, et en phase complémentaire, on nous a tout bêtement évincées. Ce qui est étonnant, c’est que la fac de Nanterre a affiché des licences, mais nous ont quand même refusées, ce qui montre qu’en réalité ils avaient de la place. À la fin, au moment de la fermeture de Parcoursup, leurs licences s’affichaient toujours comme disponibles.
Comment avez-vous rejoint le collectif des sans-facs ?
Fatou : Je suis arrivée le 1er septembre pour négocier une place en licence, mais le bâtiment était complètement fermé, on nous renvoyait chez nous en nous disant que tout se passait via Parcoursup. Mais sur le chemin du retour, j’ai vu les tables de l’Unef et j’y ai déposé les recours.
Marie-Ève : Moi j’étais déjà venue cinq fois à la fac, pour essayer de négocier une place auprès de toutes les instances. Ma cousine m’a parlé de l’Unef, car elle aussi a été sans-fac, et j’ai vu les vidéos TikTok du syndicat, donc je suis venue le 1er septembre pour m’inscrire sur les tables tenues par les militants de l’Unef.
Comment la mobilisation des sans-facs est-elle soutenue par les autres étudiants de la fac ?
Marie-Ève : Elle est bien soutenue. Des étudiants viennent directement rejoindre le syndicat pour nous aider. Beaucoup sont là activement pour aider sur les tâches administratives, et faire en sorte d’animer la lutte. Il y a aussi des étudiants qui viennent aux rassemblements, qui sont interpellés par le fait qu’on retire le droit d’étudier à des étudiants qui ont pourtant les diplômes requis. Tout cela dans la sixième puissance mondiale : ça choque beaucoup. Les étudiants applaudissent nos interventions dans les amphis.
Comment s’est passée l’occupation et l’évacuation par la police ?
Fatou : L’occupation s’est très bien passée, on était très organisés. On avait préparé la nourriture et de quoi dormir. La présidence de la fac a été très loin pour déloger les étudiants : les vigiles ont mis la clim pour nous donner froid et nous faire partir. Mais cela n’a pas entamé notre détermination.
Marie-Ève : On s’était préparés en amont à la venue de vigiles et de la police. On s’est mis en chaîne, et on est sortis dans le calme. On est pacifiques, on n’est pas là pour se jeter sur qui que ce soit. La police ne nous a pas donné le temps de récupérer toutes nos affaires.
Est-ce que cette intervention policière a entamé votre détermination ?
Marie-Ève : Cette intervention montre la grande faiblesse de la présidence. La présidente de la fac a soutenu une thèse sur les violences policières et elle fait appel à la police pour déloger les sans-facs ! C’est totalement contradictoire ! Il ne faut pas qu’on lâche : c’est le moment le plus percutant, qui va décrédibiliser totalement la présidence.
Que pensez-vous d’ailleurs de cette présidence qui se prétend « de gauche » et fait intervenir la police ?
Fatou : Ils ne sont pas en accord avec le discours qu’ils tiennent. Leur communiqué, dans lequel ils prétendent qu’on est violents, est totalement mensonger ! Ils prétendent avoir ouvert des négociations, rien de tout cela n’est vrai ! C’est la présidence qui a fait intervenir la police en refusant de négocier. La présidente de la fac, elle, a sa place, elle est bien intégrée dans le système, et elle veut nous maintenir tout en bas. Ce sont des bourgeois qui se prétendent de gauche !
Marie-Ève : C’est révélateur de la gauche bourgeoise qui veut se prétendre cool, qui se dit antifasciste, alors qu’elle applique la politique de Macron, qui lui-même s’aligne de plus en plus sur le RN. Ce sont des personnes qui se contredisent énormément. La présidente n’est même pas venue elle-même : elle a envoyé seulement ses sous-fifres. Elle a peur d’affronter la réalité en face, et de reconnaitre qu’elle applique une politique totalement macroniste. Les sans-facs, ce sont des jeunes de quartiers populaires, des Noirs, des Arabes, des enfants d’ouvriers, et là c’est cette présidente qui se prétend de gauche qui leur refuse l’inscription. Elle applique une politique totalement macroniste.
Dans les rassemblements de soutien, on voit beaucoup de camarades de l’interpro : est-ce que ce soutien est important pour vous ?
Marie-Ève : Totalement. On est tous ensemble. La lutte des sans-facs, c’est une lutte contre les coupes budgétaires menées par l’État. C’est vraiment important et nécessaire qu’ils soient là. On est tous unis contre un gouvernement qui nous méprise. On se sent en soutien aussi de leurs luttes. C’est pourquoi on va dans les AG interpro. On les remercie énormément pour leur présence, ça nous légitime encore plus.
Comment vous envisagez la suite de la lutte ?
Fatou : On a une AG demain à 18 heures, avec les sans-facs et quelques personnes de l’interpro, pour envisager ce qu’on fait dans la semaine et après les vacances.
Marie-Ève : Je le sens bien. Avec le soutien qu’on a, pour moi, la suite sera positive.
