Jean-Michel KRIVINE – Les derniers combats de Trotsky : de l’Opposition de gauche russe à la IVe Internationale

Plus de 60 ans après sa création, la IVe Internationale demeure très faible numériquement, cependant, à l’heure du triomphe de la « mondialisation » capitaliste elle demeure la seule Internationale existante.

Dès le Manifeste communiste de 1848, Marx et Engels avaient montré que le Capital ne pouvait se développer qu’en abolissant les frontières nationales et que la lutte des prolétaires (ceux qui n’ont que leur force de travail à vendre) devait y correspondre. On assiste maintenant à une exacerbation de cette tendance. Mais si apparaissent enfin des mouvements internationaux de lutte contre les effets de cette mondialisation capitaliste (contre le Fonds monétaire international, contre l’Organisation mondiale du commerce, contre la Banque mondiale, pour l’annulation de la dette du Tiers-monde…), il n’y a que la IVe Internationale comme organisation politique présente dans de nombreux pays pour analyser collectivement la situation mondiale et proposer des mots d’ordre correspondant à la nécessité d’en finir avec le capitalisme.

Dans différents pays ont existé des partis révolutionnaires dont certains étaient nettement plus implantés que la section locale de la IVe Internationale. La plupart ont disparu car pour se développer sur le long terme une organisation a besoin de ne pas se centrer sur ses problèmes nationaux. Elle a besoin de disposer d’un certain recul que ne peut lui procurer que la confrontation permanente avec les organisations révolutionnaires d’autres pays. Seule, une Internationale discutant en permanence des difficultés auxquelles se heurtent ses sections est à même de les aider à les résoudre.

Aux origines : l’Opposition de gauche ou la « fraction bolchevik-léniniste » du PC de l’URSS (1923-1929)

Pendant cette première période il n’y a pas d’Opposition de gauche internationale. La « fraction bolchevik-léniniste » (B-L) n’agit que dans le PC de l’URSS et si elle a des contacts avec des individus ou des groupes à l’étranger, elle élabore seule sa politique. L’Opposition de gauche s’est formée en 1923 en URSS et regroupait autour de Trotsky des militants qui s’opposaient au cours stalinien. En décembre 1922 Lénine avait été frappé par une attaque cérébrale alors que Staline venait d’être nommé secrétaire général du parti. Pendant 80 jours Lénine sera encore capable d’entamer une lutte contre la bureaucratie montante (ce qu’on a appelé « le dernier combat de Lénine »), en s’appuyant sur Trotsky, mais en mars 1923 une rechute le met définitivement hors d’état d’agir et assure le triomphe de l’appareil stalinien.

L’Opposition de gauche va se caractériser dès le début par son internationalisme, car avec la défaite de la révolution allemande en octobre 1923 le tournant de la situation mondiale va l’amener à prendre position et à se délimiter autant sur des problèmes internationaux que sur la « question russe ».

Les combats de l’Opposition de gauche

L’année 1923 conclut la période de crises révolutionnaires qui vient de secouer l’Europe pendant 5 ans et va inaugurer une phase de recul du mouvement ouvrier :

• En URSS, la déception devant l’échec des diverses tentatives révolutionnaires (Hongrie, Allemagne) entraîne une grande passivité dans la classe ouvrière dont les meilleurs éléments ou bien ont été tués pendant la guerre civile, ou bien ont été chargés de tâches dirigeantes dans l’Etat ou dans l’économie et ont tendance à se bureaucratiser. L’Opposition propose un « Cours nouveau » pour lutter contre la bureaucratisation du parti et de l’État (plusieurs articles de Trotsky ont été réunis sous ce titre). Elle s’oppose aux zigzags de la politique économique où il y a eu d’abord une véritable capitulation devant les koulaks (paysans riches) et les « nepmen » (nouveaux riches ayant bâti leur fortune grâce à la Nouvelle Politique Économique inaugurée en 1921) puis ensuite un brutal virage, en 1928, avec collectivisation des terres à la hussarde et industrialisation lourde à outrance

  • Sur le plan international, l’Opposition dénonce le Comité syndical anglo-russe, regroupant les directions des Trade Unions et des syndicats soviétiques, qui avait abandonné les mineurs anglais en grève pendant plusieurs mois en 1926. Elle flétrit le soutien apporté par le Komintern (Internationale Communiste) au Kuomintang (parti de la bourgeoisie commerçante et industrielle chinoise) qui devait conduire à un véritable massacre du mouvement communiste en Chine (1925-1927).
  • Sur le plan théorique, ces divergences principales se ramènent en fait au dilemme : « socialisme dans un seul pays » ou « révolution permanente » ? Ou bien l’on affirme avec Staline (seulement après la mort de Lénine…) qu’il est parfaitement possible d’aller jusqu’au socialisme dans un pays économiquement arriéré et isolé, en s’efforçant de rassurer les principaux Etats capitalistes, ou bien l’on considère qu’il s’agit d’une utopie suicidaire et que la seule chance de survie pour la révolution russe est de contribuer au développement révolutionnaire ailleurs dans le monde et notamment dans les pays industrialisés. C’était, bien sûr, la position de tous les bolcheviks du temps de Lénine.

Dans la « Plate-forme de l’Opposition de gauche » rédigée en 1927, à l’époque où Zinoviev l’avait momentanément rejointe, de nombreuses propositions concrètes sont présentées à l’occasion du XVe congrès du parti. Il y est notamment demandé qu’on limite la croissance des couches koulak à la campagne et qu’on commence à développer la coopération agricole (avec kolkhozes, sovkhozes), que l’on pousse à l’industrialisation selon un véritable plan et que l’on ne touche surtout pas au monopole étatique du commerce extérieur. En même temps est sévèrement critiqué le chauvinisme grand-russe de l’appareil d’État et sont émises de nombreuses suggestions pour rétablir « une réelle démocratie intérieure du Parti, comme du temps de Lénine » (mais curieusement elle ne réclame pas le rétablissement du droit de tendances dans le parti…). Parallèlement est analysée la situation internationale. L’Opposition demeure convaincue que les impérialistes prépaient une guerre contre l’URSS et que celui « qui n’est pas pour la défense de l’URSS est, sans objection possible, traître au prolétariat mondial ».

Cependant cette « défense de la patrie soviétique » ne peut se faire qu’en incitant le prolétariat des autres pays à renverser sa bourgeoisie et non pas en cherchant à se concilier les classes dirigeantes ennemies : la révolution chinoise avortée est présentée comme l’exemple de ce qu’il ne faut pas faire.

La défaite de l’Opposition de gauche

Quelques dates marquent les étapes de cette défaite :

  • 1927 : le XVe Congrès, par la voix de Staline, somme l’Opposition de « capituler entièrement et sans condition tant sur le plan politique que sur celui de l’organisation ». Les zinovievistes finiront par accepter. Le vieux noyau de l’Opposition de gauche refuse et sera exclu du parti puis envoyé en déportation.
  • 1928 : Trotsky est exilé à Alma-Ata (Kazakhstan).
  • 1929 : expulsion de Trotsky en Turquie (sur l’île de Prinkipo). Plusieurs de ses compagnons d’idée (Radek, Smilga, Preobrajenski) capitulent car, confronté à la menace de famine occasionnée par le refus des paysans de livrer leur blé, Staline semble reprendre les idées de l’Opposition (plan quinquennal, collectivisation de l’agriculture), mais il les met en application de façon caricaturale ce qui aura des conséquences dramatiques : il y aura effectivement des millions de morts de famine. La fraction B-L russe va se trouver complètement isolée.

L’Opposition de gauche internationale pour redresser l’Internationale communiste (1929-1933)

Cette période, qui va connaître la plus grave crise économique de l’histoire du capitalisme, verra Trotsky tenter de former une fraction bolchevik-léniniste internationale pour redresser le Komintern.

Dans tous les pays des millions d’hommes sont rejetés de la production alors qu’avec la mise en œuvre du plan quinquennal l’URSS donne l’impression de se développer harmonieusement. Prétendant à partir de 1928 que la révolution est partout à l’ordre du jour, le Komintern affirme qu’on est entré dans une « troisième période » (la première période d’essor révolutionnaire allait jusqu’en 1923, la deuxième période, de 1923 à 1928, correspondait à un reflux). Le danger de guerre contre l’URSS est considéré comme imminent et est mise au point une politique d’un sectarisme outrancier affirmant que les partis social-démocrates sont les frères jumeaux des fascistes : selon Staline, c’est un parti « social-fasciste » avec lequel aucune unité d’action (sauf à la base) n’est possible. Profitant de la division tragique du mouvement ouvrier allemand Hitler prend le pouvoir en janvier 1933 (le plus légalement du monde). Socialistes et communistes allemands pénétreront les premiers dans les camps de concentration nazis, notamment le leader du PC, Ernst Thaelmann, qui avait proclamé que « l’arbre national-socialiste ne devait pas cacher la forêt social-démocrate… »

A cette époque on pouvait distinguer trois courants dans le parti soviétique et dans l’Internationale :

  • Un courant droitier, représenté en URSS par des hommes comme Boukharine, Rykov, Smirnov, Kalinine (tablant beaucoup sur le paysan moyen) ou comme Tomsky (représentant les intérêts des fonctionnaires supérieurs). En Allemagne Brandier le personnifie (son rôle fut notable dans l’échec de la révolution de 1923). Après avoir plus ou moins soutenu ce courant droitier jusqu’en 1928, Staline le lâchera brusquement lors du tournant vers la collectivisation généralisée et l’industrialisation à marche forcée
  • Le Centre (fraction stalinienne) autour de Staline, Molotov, Mikoyan, Kirov. C’est lui qui a le pouvoir dans le Parti, les syndicats, l’État. Il dirige le Komintern (Manouilsky, Dimitrov) qui ne fait qu’appliquer la ligne définie par les soins du Centre
  • L’Opposition de gauche (Trotsky, Rakovski) ne s’organise à l’échelle internationale qu’à partir de l’expulsion de Trotsky en 1929 en s’attachant à rétablir les principes communistes et à sélectionner des cadres. En 1929, en France, une petite équipe se réunit autour d’Alfred Rosmer en Ligue communiste et lance l’hebdomadaire « La Vérité ». A leur appel, la Première Conférence des Bolchevik-Léninistes se réunit à Paris en avril 1930 et désigne un premier Secrétariat international : c’est l’acte de création du mouvement international qui sera nommé « trotskiste » par ses ennemis (un nom qui lui collera durablement à la peau). L’Opposition de gauche internationale se donne pour but de lutter pour le redressement politique de l’Internationale communiste et de l’Etat soviétique. Elle se caractérise alors essentiellement par :
    • sa lutte en défense de l’URSS, encore considérée comme un État ouvrier en raison de son infrastructure économique même si son régime politique devait être complètement transformé (sur ce plan l’Opposition demeure « réformiste »).
    • son combat en faveur du front unique contre le fascisme : dès 1930 Trotsky s’est montré d’une clairvoyance exceptionnelle en ce qui concerne le danger nazi et la politique suicidaire du Komintern imposée au PC allemand.
    • sa lutte pour le redressement de l’Internationale communiste dont nombre de militants sont encore de vrais révolutionnaires.

La préparation d’une nouvelle Internationale (1933-1938)

Devant la défaite historique du prolétariat représentée par l’arrivée au pouvoir de Hitler, la politique de redressement de l’Internationale communiste apparaît comme dépassée aux yeux de Trotsky. En effet celle-ci continue à justifier la folle politique de dénonciation des sociaux-fascistes qui a permis aux nazis de triompher. La nécessité d’une nouvelle Internationale se fait jour.

Le contexte international est marqué par la défaite historique en Allemagne, le dévoyement par les dirigeants staliniens des combats des travailleurs en France et en Espagne, la liquidation de la vieille garde bolchevique et la terreur de masse imposée par Staline en URSS.

En Allemagne Hitler accède au pouvoir. En janvier 1933, le maréchal Hidenbourg le nomme chancelier du Reich. Rapidement la répression s’abat sur le mouvement ouvrier allemand. Trotsky proclame : « La classe ouvrière allemande se relèvera, le stalinisme, jamais ! ».

En Espagne et en France l’année 1936 voit le triomphe des Fronts Populaires. En France, une tentative de coup d’Etat réactionnaire (6 février 1934) réveille la classe ouvrière qui pousse le PS et le PC à l’unité d’action. Un pacte électoral commun est préparé mais bientôt le PC exige que s’y associe le parti radical, principal parti de la bourgeoisie. La victoire électorale du Front Populaire devait déclencher un formidable mouvement social avec deux millions de grévistes occupant leurs lieux de travail. Alors que Trotsky écrivait que « La révolution française est commencée » et que le socialiste de gauche, Marceau Pivert, affirmait que « Tout est possible ! », Thorez, principal dirigeant du PC, proclama : « II faut savoir terminer une grève ». Malheureusement l’influence du PC était sans commune mesure avec celle des petits groupes de l’Opposition et la reprise du travail eut lieu alors qu’il aurait été possible d’aller beaucoup plus loin.

En Espagne la victoire électorale de février 1936 déclencha en juillet la rébellion militaire de Franco et une guerre civile qui se prolongea jusqu’en 1939 et se termina par la victoire de Franco, largement soutenu par Hitler et Mussolini, alors que le gouvernement du Front populaire en France et celui d’Angleterre respectaient le principe de la « non-intervention » et que les staliniens, tout en armant (moyennant finances…) le camp « républicain », lui imposaient l’auto-limitation politique et entamaient une répression féroce des anarchistes et des opposants communistes de gauche.

En URSS, l’assassinat de Kirov, le chef du parti de Leningrad, marque le début de la terreur de masse dont les trois procès de Moscou ne sont que la partie la plus visible. En 1934 le vieux compagnon de Trotsky, Rakovski, capitule à son tour (dans des conditions toujours discutées), ce qui ne l’empêcha pas d’être ultérieurement arrêté en janvier 1937, jugé, déporté et finalement exécuté en 1941.

Le changement d’orientation de l’Opposition de gauche

La capitulation du PC allemand devant Hitler est considérée par Trotsky comme un test historique : ce PC n’est plus redressable, le Komintern non plus. Le changement d’orientation se fera en plusieurs étapes entre 1933 et 1935. A partir de mars 1933 l’Opposition considère que le PC allemand n’est plus redressable mais on attend encore des réactions saines de la part des autres PC après la catastrophe allemande.

Comme rien ne vient, au cours de l’été 1933 survient un nouveau changement de ligne : l’IC n’est plus redressable et il faut construire une nouvelle Internationale révolutionnaire et de nouveaux partis révolutionnaires dans chaque pays. Enfin, c’est en 1935 qu’est clairement établi que la voie des réformes est insuffisante en URSS et qu’une véritable révolution politique y est nécessaire pour chasser la bureaucratie tout en conservant la propriété étatique héritée de la révolution d’Octobre.

La construction d’une nouvelle Internationale – la Quatrième – ne pouvait être envisagée qu’en alliant la plus grande fermeté des principes à la plus large souplesse d’organisation. Ces principes sont établis dans plusieurs documents, notamment dans la « déclaration des Quatre » signée en commun au mois d’août 1933 par la Ligue communiste internationaliste et 3 organisations sympathisantes (2 hollandaises, 1 allemande). C’est à partir de ces principes que seront menées trois luttes principales :

  • Contre la politique des Fonts Populaires, particulièrement en Espagne et en France. Elle fut inaugurée en 1934 par un Staline enfin inquiété par le triomphe nazi et amena les PC à passer d’un sectarisme outrancier (la lutte contre les sociaux-fascistes) à un opportunisme sans rivage (l’union de tous les bons républicains). Ce fut la première grande expérience de collaboration de classe des staliniens.
  • Contre le centrisme, c’est-à-dire la tendance à chercher des accommodements entre une politique réformiste et une politique révolutionnaire. Différents groupes étaient ainsi caractérisés en France, en Espagne, en Hollande, en Suède, en Pologne et dans rémigration allemande. Mais c’est avec les Espagnols (Nin et Maurin) fondateurs du Parti Ouvrier d’Unification Marxiste (POUM) que la discussion sera la plus serrée étant donné leur position équivoque sur le Front Populaire.
  • Contre la terreur stalinienne et les Procès de Moscou, dénoncés notamment par Trotsky ot par son fils, Léon Sédov, exilé avec son père, qui publia un « Livre rouge des Procès de Moscou ».

Après l’abandon par Moscou en 1934 de sa politique ultra-sectaire et le développement rapide des partis ouvriers dans plusieurs pays, Trotsky conclut qu’il fallait garder le contact avec les éléments les plus combatifs de la classe ouvrière et il proposa la tactique de « l’entrisme » dans les organisations socialistes. Les bolcheviks-léninistes allaient perdre temporairement leur i’idépendance organisationnelle tout en demeurant liés entre eux comme fraction. En France l’entrisme se fit drapeau déployé dans la SFIO en septembre et octobre 1934. Il permit de renouveler les rangs de l’organisation notamment en recrutant dans la Jeunesse socialiste. La direction expulsa la fraction trotskiste fin 1935, avant le Front populaire. La section française, réduite et isolée, fut la proie de luttes intestines où divergences politiques et confits personnels se mêlaient étroitement (d’un côté Raymond Molinier et Pierre Frank, de l’autre Pierre Navire et Jean Rous) ce qui donna naissance à plusieurs micro-organisations qui ne se réunifièrent qu’à la fin de. la deuxième guerre mondiale. L’entrisme se fit également avec de bons résultats en Beîgioue et aux USA.

En juin 1936 s’était tenue à Paris (officiellement à Genève, pour des raisons de sécurité) la Première Conférence internationale pour la IVe Internationale. La Ligue Communiste Internationaliste changea de nom et devint le « Mouvement pour la IVe Internationale ».

La fondation de la IVe lnternationale (septembre 1938) Api es les purges staliniennes en URSS, alors que la révolution est pratiquement écrasée en Espagne et que les grande ? puissances ont capitulé devant Hitler en signant les accords de Munich, se réunit dans la banlieue parisienne, à Périgny (chez Alfred Rosmer), la conférence qui devait fonder la IVe Internationale. Elle se tint clandestinement, l’assemblée plénière ne dura qu’une seule journée et 11 sections étaient représentées (France, USA, Italie, Grande-Bretagne, Hollande, Grèce, Brésil, URSS, Pologne, Belgique et Allemagne). Le texte majeur adopté fut le « Programme de transition » rédigé par Trotsky. Il exposait comment faire progresser la conscience ouvrière en partant des revendications immédiates et en proposant une série de revendications convaincantes pour les prolétaires mais inacceptables pour un pouvoir bourgeois.

Elle adopta également diverses résolutions ainsi que des statuts assez rigides, correspondant à cette époque pré-guerrière, le « parti mondial de la révolution socialiste » devant être centralisé et très discipliné.

Le point le plus controversé fut certainement celui de l’opportunité de proclamer à ce moment la IVe Internationale : 3 délégués s’y opposèrent fermement, les deux délégués polonais (Stefan Lamed et Hersch Mendel) ainsi qu’Yvan Craipeau, représentant la minorité française. Leur argumentation était qu’en période de reflux il était très risqué de proclamer la naissance d’une nouvelle Internationale dont on pouvait ainsi compromettre l’idée. Les trois précédentes étaient apparues lors de périodes d’essor du prolétariat et disposaient dès leur constitution de plusieurs partis influents dans leurs pays. Les autres délégués ne furent pas convaincus et suivirent la proposition de Trotsky de fonder dès maintenant la IVe Internationale en raison des immenses difficultés qu’annonçait l’arrivée inévitable d’une nouvelle guerre mondiale.

En mai 1940, alors que la France était envahie, se tint à New York la Conférence extraordinaire de la IVe Internationale, en raison de la profonde crise que connaissait la section américaine : une minorité autour de James Burnham et Max Schachtman considérait qu’après le pacte germano-soviétique il fallait renoncer à la défense de l’URSS. Pendant cette conférence eut lieu à Mexico la première tentative d’assassinat de Trotsky avant le meurtre du 21 août 1940.

Ce rapide parcours avait pour objectif essentiel de faire connaître, principalement à la jeune génération, à quelles difficultés se sont heurtés les rares militants qui, avant la guerre, consacraient leur vie à la cause révolutionnaire et devaient affronter non seulement la répression de l’État bourgeois, mais la violence physique des staliniens. L’Internationale qu’ils ont contribué à créer est toujours vivante. Certes, les conditions ne sont plus les mêmes, la IVe Internationale ne se considère que comme une des composantes de la future grande Internationale révolutionnaire de masse à créer mais son expérience et ses conceptions théoriques en font un élément incontournable.