La jeunesse peut se réveiller et jouer le même rôle qu’en 2006 contre le contrat première embauche
Entretien. Depuis plusieurs semaines, l’université Jean-Jaurès (ex-Mirail) à Toulouse est en lutte contre l’austérité budgétaire, mais aussi contre le barrage de Sivens, les violences policières et la répression. Robin, Arya et Gaëtan sont étudiantEs et militantEs au NPA. Ils ont accepté de nous parler de leur lutte.
Pourquoi une dynamique propre à Toulouse ?
Arya : La particularité de Toulouse, c’est la proximité avec la ZAD du Testet. Dès le 4 novembre, des zadistes sont arrivés au Mirail pour porter sur la fac les questions autour de la répression et du barrage. De notre côté, nous avions déjà lancé un mouvement contre l’austérité budgétaire dans les universités. On a pu intégrer la question de la répression précisément par le biais de l’austérité : alors qu’il n’y a plus de moyens pour les universités, les budgets alloués à la défense des grand projets inutiles et à la répression des mouvement sociaux sont colossaux.
Robin : La répression au Testet et la mort de Rémi Fraisse ont été un élément déclencheur. De nombreux étudiants de la fac se sont déjà rendus sur le lieu de projet de barrage et beaucoup d’entre nous sont sensibles aux questions écologiques, à la question de l’aménagement et de l’appropriation de nos territoires. Et puis, il y a les conditions de vie et d’études qui se dégradent. Ces problématiques resurgissent sur le devant de la scène.
Gaëtan : De nombreuses manifestations ont eu lieu, la plupart ont été interdites et réprimées. Les jours de manifestation, Toulouse est militarisée et les arrestations arbitraires se multiplient. Des étudiantEs du Mirail subissent cette répression, dont moi-même, puisque j’ai passé 48 heures en garde à vue après la manifestation du 8 novembre. Je passe en procès le 4 décembre. Des peines très lourdes sont tombées, allant jusqu’à la prison ferme…
Qu’avez-vous fait spécifiquement sur la question des inculpéEs et des condamnéEs ?
Gaëtan : Deux étudiantEs du Mirail ont été interpellés et cela nous a poussé à passer à l’offensive pour les défendre. Après chaque vague d’arrestation, nous allons devant le commissariat, puis devant le palais de justice pour réclamer la relaxe des inculpéEs et l’amnistie de tous les condamnéEs. Nous avons organisé une caisse de soutien pour les inculpéEs, afin de financer leurs frais de justice. Mercredi soir, nous avons fait un meeting/concert de soutien, où sont intervenus les secteurs en lutte toulousains, suivi d’un concert de soutien.
Robin : Les attaques contre ceux et celles qui résistent s’intensifient, tant sur les lieux de travail que dans les quartiers, ainsi que dans les manifestations. Cela pose la question de la légitimité même de la lutte sociale, dont le droit est remis en cause systématiquement, lorsque le gouvernement est en difficulté. C’est pour cela que le combat contre la répression est pour nous intimement lié à la lutte contre la politique d’austérité, contre ce gouvernement au service de patrons.
Arya : La tâche centrale est de produire du matériel pour expliquer les liens entre la répression, le barrage de Sivens et l’austérité budgétaire. Ce n’est pas toujours simple, bon nombre d’étudiantEs sont préoccupés avant tout par la dégradation de leurs conditions d’études et de vie, mais petit à petit, ils et elles prennent conscience que lutter contre la répression des mouvements sociaux, c’est lutter… pour la possibilité de lutter !
Et maintenant ?
Robin : Nous avons bien conscience que la mobilisation se cantonne aujourd’hui à quelques lieux isolés. Mais il y a déjà une possibilité de victoire à Sivens qui montre que la mobilisation collective paie. La jeunesse peut se réveiller et jouer le même rôle qu’en 2006 contre le contrat première embauche (CPE). Bien entendu, rien n’est joué, il reste encore à convaincre, unifier, passer à l’action de façon majoritaire sur les universités, les lycées, les lieux de travail.
Arya : Nous devons trouver le moyen pour faire en sorte que la mobilisation prenne nationalement. Il y a bien entendu la question des inculpéEs et du barrage de Sivens, mais ce qui est commun à toutes les universités aujourd’hui, c’est le désengagement financier de l’État dans l’enseignement supérieur et la recherche. Il nous faut trouver la bonne formule pour que toutes les facs de France se soulèvent et disent « stop ! » : stop à l’austérité, stop à la répression, stop aux choix de répartitions budgétaires qui favorisent les intérêts privés à notre détriment !
Gaëtan : Nous tentons également de nous tourner vers l’extérieur et le monde du travail car on pense qu’un mouvement d’ampleur est le seul moyen de faire changer les choses. Étendre la mobilisation à d’autres secteurs peut nous permettre d’avancer et de ne pas stagner sur la fac et mourir à petit feu. Par le passé, le mouvement étudiant a pu jouer un rôle d’entraînement, anticipant un soulèvement du monde du travail. On pense que l’on peut encore y arriver.
Propos recueillis par des correspondantEs du NPA 31