Loi « travail », mais qu’est ce qu’il y a dans cette connerie ?
L’objectif de ce projet de loi dite « travail », ou chômage, ça dépend du point de vue, est clair : faire de nous de la chaire à patrons, en nous imposant la précarité à vie ! Travailler plus pour gagner moins et se faire virer plus facilement : la droite et le MEDEF en rêvaient, et c’est aujourd’hui la « gauche » qui le met en place. Décryptage.
La clée de voute du projet : la liberté totale du patronat de choisir le périmètre de négociation collective qui lui sera le plus favorable !
Pour le MEDEF et le gouvernement, le code du travail ne serait pas assez simple… et trop protecteur pour les salariéEs. Pourtant, depuis longtemps les acquis sociaux arrachés de hautes luttes par les travailleurSEs sont remis en cause : loi d’égalité des chances en 2006, réformes des retraites… ANI et loi Macron. Ce que veut nous imposer le gouvernement aujourd’hui, c’est une liquidation des dernières protections que nous pouvons encore faire valoir face au patronat. Elle s’articule autour d’une mesure forte : la casse de la hiérarchie des normes.
Aujourd’hui, la loi prime sur l’accord de branche qui prime sur l’accord d’entreprise. Pour s’appliquer, ces accords doivent être paraphés par des organisations représentant au moins 30% du personnel si les autres organisations pesant au moins 50% ne s’y opposent pas. C’est le principe le plus favorable qui prévaut pour l’essentiel, notamment sur la rémunération (pour le temps de travail, depuis la loi Fillon de 2008 ce n’est plus le cas).
La loi El-Khomri inverse cette hiérarchie : l’accord d’entreprise l’emporte sur l’accord de branche dans presque tous les cas de figure, même s’il est moins favorable. Les organisations syndicales qui ont obtenu plus de 50% des suffrages ne peuvent plus exercer de droit de blocage: si des organisations représentant 30% le paraphe, le patron peut organiser un référendum pour contourner les organisations majoritaires.
Enfin, toutes les négociations prévues au niveau de l’entreprise peuvent se mener au niveau d’un groupe, et ces accords pourront se substituer aux accords d’entreprise ou de branche. Or, avec la financiarisation de l’économie, le périmètre d’un groupe évolue très vite au gré du bon vouloir des actionnaires
Avec l’ensemble de ces possibilités, il faudrait vraiment de la mauvaise volonté du côté du patronat pour ne pas réussir à imposer ce qu’il veut aux salariéEs ! D’autant que désormais, ce qui relève de la loi n’aura plus de grande portée pratique, et que les droits réels seront largement décidés dans le « champ de la négociation collective », ou en l’absence d’accord, par décret.
Travailler plus…
Le temps de travail maximal. Il sera possible par accord d’augmenter de 10 à 12h de travail maximales par jour. La durée hebdo maximale reste 48h, le gouvernement ayant reculé par rapport au premier projet de loi, où il permettait par simple accord d’élever cette durée à 60h. En revanche, les employeurs pourront porter la durée maximale hebdo moyenne de 44h sur 16 semaines plutôt que 12, et par accord, cette limite moyenne pourra se porter à 46h.
Le temps de travail des apprentis. La loi prévoit d’augmenter la durée quotidienne maximale de 8 à 10h pour les apprentis de 14 à 18 ans. Il s’agit d’une des mesures les plus emblématiques : le droit du travail a justement commencé au milieu du XIXe s. par l’encadrement du travail des enfants. Pas étonnant donc que ce gouvernement qui cherche à liquider 150 ans d’acquis sociaux revienne dessus !
La loi facilite largement le passage au forfait jour, en particulier dans les PME de moins de 50 salariéEs, où il n’y a pas besoin d’accord collectif. Si le consentement du salariéE est requis, on comprend bien qu’avec 5 millions de chômeurs, les futurEs salariéEs n’auront pas le choix de refuser ce type de contrat, où il/elle ne justifie son salaire que par les résultats obtenus, quel que soit le temps travaillé. Les forfaits jours concernent déjà 50 % des cadres et 13,5 % des salariéEs et les conduits à travailler 46h30 en moyenne au mépris de leur santé et de leur vie personnelle.
… pour gagner moins…
Heures supplémentaires moins payées. Les 35h reste la durée « normale », mais la loi ne précise plus qu’elle est calculée sur la semaine civile. Les patrons pourront choisir la semaine de leur choix (7 jours consécutifs), rendant les contrôles impossibles. Les patrons, par accord collectif, pourront choisir le taux de majoration des heures supp. pouvant l’abaisser jusqu’à 10%, au lieu de 25% pour les 8 premières heures et 50% au-delà. Sans doute un coup de pouce pour créer des embauches…
Aménagement du temps de travail. La loi prévoit désormais que les patrons pourront, par accord collectif, décompter les heures supp. sur une durée pouvant aller jusqu’à 3 ans, et sans accord, sur une durée de 16 semaines. UnE salariéE qui refuse de se soumettre à ce nouveau mode de calcul pourrait être licenciéE pour faute. On comprend mieux pourquoi la durée légale de 35h est maintenue. Il faudrait être un très mauvais patron pour devoir rémunérer la moindre heure supp. dans ces conditions.
…dans de plus mauvaises conditions…
La réforme, c’est aussi plus de précarité, et en premier lieu pour les jeunes et les femmes, qui occupent en majorité les postes précaires. Le délai de 7 jours obligatoire pour un patron pour avertir des changement de répartition de la durée de travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois pour les salariéEs à temps partiel disparait de la loi, ainsi que le délais de 15 jours pour la programmation des périodes d’astreinte, remplacé par des « délais raisonnables ». Autre exemple : pour le travail de nuit, l’employeur pourra définir une période de 9h comprenant l’intervalle minuit-5h (plutôt que 21h-6h actuellement). Les salariéEs qui commenceraient à 5h ne verront plus leur heure faite entre 5 et 6h être considérée comme travail de nuit.
…pour se faire virer plus facilement !
Enfin, le gouvernement voudrait nous faire croire que faciliter les licenciements permettrait de créer de l’emploi… A partir de ce postulat absurde, il introduit dans cette loi un « droit au licenciement abusif ».
Plafonnement des indemnités prud’homales. En cas de licenciement abusif, les condamnations des patrons par le juges prud’homaux seront plafonnées à des montant tellement bas que cela revient à légaliser le licenciement abusif. Pour une ancienneté inférieure à 2 ans, un plafond de 3 mois de salaires ; de 2 à 5 ans, six mois ; de 5 à 10 ans, 9 mois ; de 10 à 20, 12 mois ; et supérieure à 20 ans, 15 mois. Pour les salariéEs victime d’un licenciement économique annulé par la justice, l’indemnité s’élève dorénavant à 6 mois de salaires plutôt que 12.
Licencier abusivement pour motif économique, c’est maintenant ! L’article 30 bis redéfinit le licenciement économique. Il peut être justifié suite à des difficultés économiques résultant d’une baisse des commandes ou du chiffre d’affaire pendant un minimum de 6 mois, fixé par accord collectif. Les experts-comptables qui pratiquent allégrement le travestissement de comptes sur plusieurs années doivent avoir le sourire ! Ensuite, il peut être justifié suite à des « mutations technologiques » ou suite « à une réorganisation de l’entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ». Autant dire à peu près à tout moment : il sera difficile de contester la volonté d’une entreprise de vouloir sauvegarder sa compétitivité, puisqu’il s’agit d’une opinion sur des faits non advenus…
Les accords de « préservation » ou de « développement » de l’emploi. Ils s’ajoutent aux « accords de maintien de l’emploi » déjà mis en place par Hollande. Ces accords ont pour but la « préservation » ou le « développement » de l’emploi même dans des entreprises qui prospèrent. Ces seuls motifs permettront d’imposer aux salariés la baisse des garanties prévues par leur contrat de travail. Dans son vrai/faux, le gouvernement a déclaré que ces accords ne pourront « en aucun cas porter atteinte au pouvoir d’achat »… La rémunération mensuelle ne pourra pas baisser, mais le temps travail pourra augmenter, donc le salaire horaire baisser !
Ce gouvernement a décidemment beaucoup d’humour. Si unE salariéE refuse de voir son contrat de travail modifié suite à cet accord, il sera licencié selon les règles du licenciement pour motif personnel, et non pas économique, lui fermant ensuite un certain nombre de droits.