« Ni chair à canon, ni chair à patron ! » – Intervention de Victor Mendez au meeting du 26 avril à Paris

Nous reproduisons ici l’intervention de Victor, étudiant à Nanterre et porte-parole du NPA Jeunes, lors du meeting d’ouverture de la conférence nationale jeunes tenu le 26 avril à Paris. Cette conférence qui a rassemblé 320 camarades qui se sont exprimés dans les assemblées générales locales, s’est conclu à Paris par un week-end de discussion entre les délégués qui ont adopté une déclaration politique. Le meeting, ouvert, a rassemblé plus de 200 camarades pour le lancement de la campagne à Paris de notre liste « Pour un monde sans frontières ni patrons, urgence révolution ! ».

D’abord, je voudrais féliciter les camarades de Tolbiac qui ont remporté une victoire importante cette semaine. Une attaque énorme était prévue : la suppression ou la remise en cause de la compensation, des rattrapages, le durcissement des absences, tout un projet qui visait à rendre plus difficile la validation de l’année universitaire pour les jeunes salariés, pour les jeunes issus des milieux ouvriers, pour les jeunes issus de notre camp social, que le gouvernement veut virer des universités. Et surtout dégager de la Sorbonne, du Panthéon, de Paris 1 et des universités parisiennes qui deviennent de plus en plus des facs d’élite qui veulent écarter aujourd’hui les jeunes issus de milieux ouvriers. Et effectivement nous, au NPA, on veut se battre. On veut se battre face à une des offensives que le gouvernement Macron mène de manière agressive contre la jeunesse aujourd’hui précarisée, ouvrière, issue des milieux populaires.

La violence de ce système contre la jeunesse

Et on a tous entendu avec beaucoup de colère les annonces que notre cher Premier ministre, lui aussi jeune, a fait en direction de la jeunesse, son milieu bien sûr, en réaction aux annonces médiatiques au sujet des violences, des rixes, dans les quartiers populaires, dans les lycées populaires. Attal a fait une sortie, c’est tout un programme qui vise discipliner et réprimer toutes les formes de contestation, notamment dans la jeunesse mineure lycéenne. C’est pour les collégiens, donc ça commence tôt, imposer le 8-18 heures dans les collèges, pour empêcher toute sortie, toute forme de liberté, toute forme de loisir. C’est la multiplication par deux des cours d’éducation morale et civique, la mise en place d’un label « élément perturbateur » pour les lycéens qui auraient été sanctionnés, pour qu’il apparaisse bien sur Parcoursup et qu’aucune fac n’ait envie de les prendre. C’est la mise en cause, la levée potentielle de l’exception pour mineurs, c’est-à-dire cette mesure, un minimum correcte du droit bourgeois, qui garantit qu’un mineur ne soit pas jugé de la même manière qu’un majeur. Et pire encore, ils envisagent même la possibilité de faire recours aux comparutions immédiates pour les moins de 18 ans. La comparution immédiate, c’est cette justice express qu’on a vu s’abattre sur les jeunes des quartiers populaires en juin-juillet dernier.

Lorsque ce gouvernement nous parle de la violence des jeunes, il nous dit qu’en fait, ce serait la faute des écrans, ou des parents ou des réseaux sociaux… Et la violence que ce système met en place quotidiennement ? Avec des épisodes parfois où tout le système politico-judiciaire se déchaîne contre les jeunes des quartiers ouvriers des grandes villes et des périphéries des grandes villes. Cette soi-disant justice neutre, cette police que certains veulent de proximité, montre des chiffres assez ahurissants. Parlons de violence. Juin et juillet 2023, huit jours d’émeute. La révolte des quartiers populaires suite à l’assassinat du jeune Nahel. Quel était le rôle et la fonction de cet État ? Plus de 4000 arrestations. Sur ces 4000 arrestations, 2107 mises en examen, 94 % de ces mises en examen terminent par des peines de prison, soit 1989. Et sur ces 1989 condamnations, 90 % à la prison ferme, pas du sursis, pas juste du sursis, directement en taule, avec des peines en moyenne 8 à 9 mois, soit 1781 jeunes, parfois des très jeunes, qui se sont retrouvés le soir même en prison. Parce que la comparution immédiate, ce n’est pas le droit à la défense et une préparation avec un avocat, ce n’est pas le droit contradictoire, c’est directement jugé et souvent directement en prison. Les tribunaux ont fait des séances entières de condamnations de jeunes qui ont osé contester, dénoncer avec leurs moyens d’action cette brutalité policière qu’on a tous vue avec les images du policier qui a tiré dans la poitrine sur Nahel et qui l’a tué, et de son collègue qui l’a accompagné et qui l’a encouragé à le faire.

L’État nous explique qu’aujourd’hui qu’il faudrait durcir le ton, et toute la droite et l’extrême droite veut renforcer la main tremblante de l’État comme ils disent. Mais pour donner un exemple, en 2005, il y avait des émeutes aussi dans les quartiers, et sur les 4 300 arrestations à l’époque, 400 ont abouti à des peines de prison ferme. Certaines organisations dénonçaient déjà à l’époque cette justice de classe. Là on a un chiffre trois, quatre fois plus gros. C’est un acharnement répressif et autoritaire contre les jeunes des quartiers populaires.

Parce que lorsque le gouvernement nous parle de violence, lorsqu’il nous parle d’insécurité, nous, au NPA Jeunes, on dit que la première violence, elle est celle de cet ordre social capitaliste et inégalitaire, où une minorité peut voler au quotidien le travail du plus grand nombre, lui imposer les pires des réformes, les pires des conditions de travail, les pires des mesures, faire augmenter les prix, l’inflation, alors que d’autres se gavent. Et c’est ce vol quotidien et qui vient diffuser son idéologie réactionnaire qui inculque l’individualisme, la concurrence et qui est responsable des violences de cette société. Si on veut prétendre à une forme d’épanouissement plein et entier pour la jeunesse et l’ensemble de notre classe, c’est bien ce système qu’il faut renverser pour un monde sans frontières, ni patrons, urgence, révolution.

La première violence, c’est la violence sociale

C’est bien ça que nous voulons porter avec cette campagne au niveau du NPA. Parce que cette violence, effectivement, elle vient d’en haut, elle vient de ce système. Et il suffit de voir le traitement à double vitesse qui est apporté entre d’un côté les jeunes de milieu prolétaire, et de l’autre côté les dominants et ceux qui les servent. Le policier qui a tué Nahel, par exemple, Florian M (lui, bénéficie de l’anonymat), a été en prison jusqu’en novembre. Et le juge a dit « Ah mais en réalité il peut la faire chez lui sa peine. » On ne connaît pas encore la date de son jugement. Alors que les jeunes des quartiers ont été jugés ont été jugés l’après-midi même de leur arrestation. Lui est mis en examen et il prépare sa défense depuis un an à domicile. Avec une belle retraite, une petite cagnotte collectée par ses collègues. Et là on ne parle pas de la cagnotte collectée par les postiers, par les cheminots, le calendrier des pompiers, etc. Non. Diffusée sur BFM, diffusée dans les grands partis, sa cagnotte a récolté plus d’un million d’euros. De quoi bien le convaincre de ne plus jamais tirer sur un jeune de quartier et lui donner une bonne retraite. Sur les douze autres policiers qui ont été acteurs de violence sur des jeunes pour des refus d’obtempérer, seulement cinq ont été mis en examen. Aucun d’entre eux n’a été condamné ou jugé. Et pourtant, les vidéos sont des procès en eux-mêmes. Qu’est-ce qu’on a besoin de plus avec la vidéo de Nahel ou du jeune Walid Salah à la Courneuve pour se rendre compte de qui est l’auteur, les auteurs de ces assassinats, de ces violences ?

Gabriel Attal tente de convaincre qu’il faudrait durcir le ton, réprimer les parents, réprimer les jeunes. Mais en réalité, son projet politique, il est bien pire que ça. Il veut faire de nous, de la chair à patron et de la chair à canon, pour le patronat. Et nous, au NPA, on est bien conscients que les premiers délinquants, ils sont en col blanc et ils sont au gouvernement. Rachida Dati, Dupond-Moretti, Dussopt, Darmanin, il n’y en a pas un pour rattraper l’autre. Apparemment, maintenant, il faut être mis en examen pour être ministre du gouvernement Macron. Et les affaires, on ne va pas rentrer dedans. Certains ont été blanchis, d’autres vont apparaître sûrement et on aura de quoi se marrer. Mais on ne voit pas les mêmes peines. Comment c’est possible qu’aujourd’hui, un jeune qui vole une canette dans un Lidl, il peut se retrouver jugé le jour même ? Par contre, l’État français, qui vend des chars, des obus, des avions, des mitrailleuses, à des régimes comme l’Arabie saoudite qui l’utilise pour massacrer le peuple yéménite. Cet État qui a vendu les navires qui ont organisé le blocage maritime du Yémen et qui ont été responsables de la famine, plus de 400 000 morts. Ce même État qui vend des armes à des régimes comme le Maroc, la Turquie ou Israël, armes utilisées en ce moment même pour le génocide et le massacre de tout le peuple palestinien. Dans ce système tu peux te retrouver en prison pour une bouteille d’eau, une canette volée. Par contre il n’y a aucune cour de justice qui va venir condamner le gouvernement Macron, le gouvernement Joe Biden pour les milliards d’euros et de dollars donnés à des gouvernements partout dans le monde, autoritaires, à des régimes qui sèment la guerre sur des peuples.
Ni chair à canon, ni chair à patron !

Cette condamnation devra venir des travailleurs et des travailleuses eux-mêmes. Ceux qui montrent l’exemple aujourd’hui, ce sont les étudiants qui occupent les universités, aux États-Unis, à Sciences-Po en ce moment contre le génocide mené par l’État israélien. Dans l’histoire, ceux qui ont osé relever la tête contre les massacres organisés par les gouvernements des grandes puissances, c’était la jeunesse scolarisée et les travailleurs en lutte. C’est ce qu’on veut exprimer ce soir, ce qu’on veut exprimer le 1er mai prochain, qu’on veut aller dénoncer les véritables délinquants, les véritables criminels de guerre, ceux qu’il faudra un jour porter aux tribunaux. C’est pour ça que ce monde on veut le renverser.

Si le gouvernement Attal déploie toute cette panoplie de réformes, c’est qu’il veut faire de la jeunesse de la chair à patron et de la chair à canon. Ces mesures répressives vont de pair avec la logique de tri social, de sélection et en parallèle de développement de l’apprentissage où l’État prend en charge les cotisations salariales, où l’apprenti est payé en dessous du Smic et doit faire des heures sup’ sous peine de voir son contrat non renouvelé et ses chances d’être embauché s’amoindrir. Le gouvernement veut faire de la jeunesse une main-d’œuvre facilement exploitable. Et ceux qui seraient enclins à contester seront accusés d’être des « éléments perturbateurs » pour mettre la pression. Nous voulons nous donner les moyens d’empêcher ces mesures de répression et de renforcement du tri social, comme l’ont fait les camarades de Tolbiac en bloquant la fac plusieurs jours d’affilée en pleine période d’examens.

Derrière cette logique, il y a la volonté d’engraisser le grand patronat et il y a la perspective de faire de nous des soldats. Ils ont soif de profits, et ces profits, ils iront les chercher, en envoyant des troupes ici, des armes là. C’est pour ça qu’ils mettent place le service national universel, c’est pour ça qu’il y a des campagnes de recrutement pour l’armée dans les lycées, les universités, les arrêts de bus. C’est pour ça que nous avons choisi de nommer notre liste « Pour un monde sans frontières ni patrons ». Parce qu’on veut montrer à la jeunesse, dans le cadre de cette campagne, qu’une autre société est possible. Nous ne sommes pas là pour un témoignage ou pour simplement apparaître sur les bulletins de vote, nous sommes là pour changer cette société. On fait appel à tous les jeunes, à tous les travailleurs, à faire cette campagne avec nous, à rejoindre les rangs du NPA. Ce que nos camarades têtes de liste, Selma et Gaël, vont défendre dans les meetings, ce que nos militants vont défendre partout dans les entreprises, dans les quartiers, dans les lieux d’étude, ce sont ces perspectives. On a besoin de soutien et beaucoup de monde à convaincre !

Victor Mendez