
Népal, Madagascar, Maroc : la jeunesse à l’assaut du monde ?
Article du N°42 de Révolutionnaires (2 octobre 2025)
Depuis plusieurs semaines, des mobilisations de jeunes (« la Génération Z, née entre 1996 et 2010 » comme dit la presse) ébranlent des États, de la Grande Île de Madagascar aux montagnes népalaises, en passant par les côtes marocaines et les rivages indonésiens. Principalement situées en Asie, ces vagues de protestations contre la pauvreté et la corruption font suite aux soulèvements sri-lankais et bangladais de 2022 et 2024.
Le capitalisme ne promet qu’un avenir de misère
Les jeunes qui se battent aujourd’hui parfois à des dizaines de milliers de kilomètres les uns des autres ne partagent pas que la jeunesse ou le drapeau de Luffy dans One Piece : ils refusent l’avenir bloqué imposé par le capitalisme et ses élites corrompues.
La pauvreté et le chômage les frappent durement, y compris celles et ceux qui essaient de s’en « sortir » grâce aux études. Les restrictions d’eau, les coupures d’électricité (jusqu’à treize heures par jour au Sri-Lanka ou à Madagascar), l’état désastreux des services publics (huit femmes décédées à la suite de leur accouchement par césarienne à Agadir au Maroc) sont d’autant plus insupportables que les richesses des élites politiques et des milliardaires s’étalent au grand jour sur les réseaux sociaux.
Toute une génération observe que la démocratie pour laquelle se sont battus leurs aînés ne fonctionne pas : les dirigeants élus (« représentants du peuple ») pillent les caisses publiques avec leurs amis milliardaires. Aux Philippines, seuls 40 % des fonds alloués aux méga projets anti-inondations servent effectivement à leur construction : le reste part dans des pots de vin ! Au Bangladesh, les étudiants se révoltaient contre des quotas discriminatoires favorisant les soutiens au régime dans la fonction publique alors que 40 % d’entre eux finissaient au chômage après leurs études. Au Népal comme aux Philippines, on combat les « Nepokids » et les clans traditionnels qui se partagent le pouvoir de père en fils depuis des décennies.
Les luttes peuvent abattre des gouvernements, mais après ?
Malgré la répression brutale exercée par les classes possédantes (des arrestations en pleine interview au Maroc aux 72 morts par balles de l’armée à Katmandou au Népal), plusieurs gouvernements sont tombés sous l’assaut de la rue : une leçon importante à retenir !
La Gen Z au pouvoir, ça suffit pour tout changer ? Les soulèvements sri-lankais, bangladais et népalais ont fait tomber des gouvernements – certains jeunes sont même devenus ministres – mais l’exploitation et la corruption continuent. L’appareil d’État et son armée, bien habitués, ont réussi à canaliser les explosions sociales en maniant la carotte (promesses de réformes) et le bâton (couvre-feu, loi martiale). Seul un pouvoir des travailleurs pourrait arracher les racines de l’exploitation en s’attaquant à la propriété bourgeoise que défendent tous ces régimes.
La jeunesse étudiante et populaire (car c’est bien elle qui lutte aujourd’hui) possède les moyens d’entraîner plus largement la classe ouvrière à laquelle elle est liée (socialement ou dans la lutte pour l’émancipation). C’est la question d’un autre pouvoir que posent aujourd’hui les jeunes au Maroc qui crient : « Nous ne voulons pas de Coupe du monde [à propos du projet de dépenser des milliards pour l’accueillir], nous voulons des soins. »Il manque encore le parti capable d’amener ces soulèvements à « aller jusqu’au bout » et renverser cette vieille société : à nous de le forger dans la chaleur des luttes, y compris dans la mobilisation actuelle en France !
Stefan Ino