REPERES CHRONOLOGIQUES

1948 : avant la fin du mandat britannique, les sionistes occupent un maximum de terres, moyennant des massacres de population arabe comme à Deir Yassine le 9 avril. Pour les palestiniens, c’est la Nakba (catastrophe) avec un million de réfugiés sur les routes. Le 15 mai, proclamation de l’état d’Israël. Au lendemain de l’indépendance, les forces arabes entrent en Palestine.

1949 : Premiers succès israéliens. La première guerre israélo-arabe prend fin par les accords d’Armistice de Rhodes.

1956, guerre du Sinaï : tensions froides au Proche-Orient. Le 29 octobre, l’armée israélienne renforce les troupes franco-britanniques qui pénètrent en Egypte. Les opérations cessent sous la pression des Etats-Unis et de l’URSS. Israël retrouve ses frontières de 1949.

1964 : fondation de l’OLP (Organisation de libération de la Palestine).

1967, guerre des Six Jours : le début de l’occupation. Le 5 juin, les Israéliens lancent plusieurs attaques. En six jours, Jérusalem Est, la Cisjordanie, le Golan et Gaza sont occupés. La résolution 242 de l’ONU exige « le retrait des Israéliens des territoires occupés ». Israël refuse.

1970, septembre noir : la résistance palestinienne en exil est écrasée par les troupes du roi Hussein de Jordanie. 3 500 morts et nouvel exil vers le Liban.

1973, guerre du Kippour : attaque surprise et statu quo. Le 6 octobre, Egyptiens et Syriens enfoncent les lignes israéliennes avant de se retirer face à la contre-offensive. Le 24, les forces arabes sont contraintes au cessez-le-feu.

1978 : accords de Camp David entre Israël et l’Egypte. Les israéliens poursuivent leur retrait du Sinaï.

Juin 1982 : invasion du sud Liban par Israël puis siège de Beyrouth Ouest, fief de la résistance palestinienne. Massacre de réfugiés palestiniens dans les camps de Sabra et Chatila orchestrés par le général Sharon. Plus de 3 000 morts.

Décembre 1987 : début de l’Intifada dans les territoires occupés.

1991 : conférence de Madrid et début du processus de paix.

Septembre 1993 : accords d’Oslo signés à Washington par Y.Rabin et Y.Arafat. Naissance de  » l’autonomie palestinienne  » à Gaza et Jéricho.

Juillet 2000 : échec des négociations sur un statut final des territoires occupés. Le 28 septembre, début de la nouvelle Intifada.

HALTE AUX MASSACRES

Depuis le jeudi 28 septembre, les territoires occupés par l’armée israélienne sont le théâtre de nouvelles scènes de violences qui rappellent les heures les plus sombres de la première Intifada…en pire. C’est la visite de l’esplanade des mosquées à Jérusalem par le leader politique d’extrême droite Ariel Sharon (bien connu pour son rôle dans le massacre des camps de Sabra et Chatila au Liban en 1982) qui à servi de détonateur à la colère des palestiniens.

Néanmoins, le gouvernement travailliste d’Ehud Barak, loin de condamner cette provocation, a préféré répondre aux manifestations par la manière forte en n’hésitant pas à envoyer les tanks, les hélicoptères de combat et en tirant à balles réelles sur la population palestinienne, sans aucune discrimination d’âge. Par ailleurs, le déploiement policier autour de la visite de Sharon laisse à penser que le gouvernement voyait celle-ci avec une certaine complaisance.

Après plusieurs semaines de violences, on dénombre déjà des centaines de morts et des milliers de blessés, la grande majorité dans les rangs palestiniens. Or cette situation inacceptable n’est pas à mettre sur le compte d’une quelconque « provocation » mais elle traduit la logique de la politique israélienne qui vise à empêcher la création d’un Etat palestinien, manifestant sa volonté d’annexion pure et simple des territoires. On comprend alors le malaise exprimé par les Palestiniens alors que les négociations pour la paix sont au point mort, Israël refusant toujours de transiger sur des points tels que la reconnaissance de Jérusalem-est comme capitale du futur Etat palestinien, le démantèlement des colonies ou le droit au retour des réfugiés. La frustration gagne même la population arabe vivant dans l’Etat d’Israël, d’autant plus que Tsahal fait preuve là-bas de la même répression barbare que dans les territoires occupés.

Plus que jamais, nous devons soutenir la juste cause du peuple palestinien révolté en soutenant son droit à l’autodétermination et en exigeant l’application des résolutions de l’ONU n°194 sur le retour des réfugiés palestiniens de la guerre de 1948 et n°242 sur le retrait de l’armée israélienne des territoires occupés en 1967.

 » Chaque femme à qui je parle dit la même chose. Le climat est tellement différent cette fois-ci. Les gens en ont marre. Marre de l’agression israélienne, marre de la corruption de l’Autorité, marre des accords de paix qui ont transformé ce lieu en un Etat d’apartheid, en un bantoustan, en une Cisjordanie divisée en 200 îlots isolés. Marre du silence du monde qui ne nous accorde aucune attention, seulement parce que nous sommes des Arabes.
Un autre jour passe, et nul ne veut que l’Intifada s’arrête. La lutte pour la libération continue depuis des décennies. Et durant ces années, des filles sont devenues mères, des mères sont devenues grands-mères… Elles ont enterré leur maris, leur père et leurs fils, et nous ne sommes toujours pas libérés, nous vivons toujours sous occupation et nous n’avons toujours pas d’Etat indépendant.
Bienvenue à une autre journée en Palestine. Une nouvelle journée d’occupation. Et il faut essayer de trouver une place au soleil. Elle est pourtant là si on regarde bien… On peut voir les verts pâturages et le bleu de la mer, et l’arc-en-ciel à l’horizon. Lève encore un peu le cou et tu pourras trouver cette place. « 
(Mouna Hamzeh-Muhaisen, camp de Dheisheh)

RETOUR SUR L’HISTOIRE

Retour rapide sur l’histoire du Moyen Orient :
comment le colonialisme occidental transforme une région en poudrière.

Le territoire sur lequel s’établira l’Etat d’Israël était jusqu’à la première guerre mondiale une province de l’Empire turc. Environ 700 000 arabes et 85 000 juifs cohabitaient aussi bien qu’il était possible de le faire dans un régime féodal. La Palestine n’existait même pas comme subdivision administrative. Mais cela faisait longtemps que les véritables maîtres de l’économie de toute la région étaient les grandes puissances anglaises et françaises, et dans une moindre mesure allemande et russe. C’est ce qui au 20ième siècle va déterminer en grande partie l’avenir de cette région.
Pendant la première guerre mondiale, l’Empire turc choisit de s’allier à l’Allemagne et se retrouve en 1918 dans le camps des vaincus. Ce qui permet aux Etats impérialistes français et anglais de dépecer tout à fait  » pacifiquement  » l’Empire qu’ils avaient jusque là protégé.
Qu’est ce qui les guide ? Rien de très original encore une fois, une bonne vielle odeur de pétrole… D’importantes réserves viennent d’êtres découvertes qui vont exciter les capitalistes britanniques. La France elle, possède déjà le réseau de chemin de fer et les routes, plusieurs ports et de nombreuses sociétés agricoles et espère assurer sa domination dans la région.
Ce sont les ministres des états soi-disant  » démocratiques  » qui dans leurs bureaux, à des milliers de kilomètres de ces régions vont décider du sort des populations sans bien sûr leur demander leur avis. Le Moyen Orient est secrètement découpé en zones d’influences, entre les Etats français, anglais, russe… En même temps que les puissances occidentales mettent en scène la mascarade de la Société des Nations (SDN, grand mère de l’ONU) censée assurer le droit des peuples à disposer d’eux mêmes, cette même SDN reconnaît la mainmise de la France et de l’Angleterre sur ces régions en leur fournissant des mandats officiels pour mettre les peuples sous tutelle. C’est la première opération d’emballage marketing du colonialisme et, comme on le verra, ce ne sera pas la dernière.
Mais avec la révolution russe d’octobre 1917, les archives tsaristes tombent dans les mains du 1er gouvernement révolutionnaire qui publie tous les accords secrets, faits sur le dos des populations. Ce qui provoque un scandale énorme. Mais à ce moment, l’impérialisme anglais ne se contente pas de se tailler une zone d’influence dans la région, il introduit un nouveau facteur de division en prenant partie pour le mouvement sioniste qui se développe alors.

Qu’est ce que le sionisme ?

Le sionisme ne se confond pas avec la religion juive. C’est un courant politique plutôt que religieux. Face à la montée de l’antisémitisme en Europe à la fin du 19ième siècle, plusieurs intellectuels juifs européens développent l’idée de fonder un Etat juif (nommé  » Sion « , du nom d’une colline de Jérusalem) dans une région du monde. Mais où exactement ? Le fondateur du sionisme, Théodore Herzl, hésite entre l’Argentine, Chypre, l’Ouganda, pour finalement opter pour la Palestine.
Que le peuple juif aspire à avoir son propre état, rien de plus légitime. Mais le projet sioniste se voyait surtout comme un  » avant poste contre l’Asie, l’avant garde de la civilisation contre la barbarie  » dans la plus pure logique coloniale. Ce qui est illustré par le slogan sioniste  » une terre sans peuple pour un peuple sans terre « . Les 700 000 arabes qui peuplaient cette soi disant  » terre sans peuple  » n’étaient qu’un détail qui allait se régler à coup d’expulsions massives, de massacres et d’actes terroristes.
Mais il faut remarquer que la barbarie nazie qui règne en Allemagne n’est pas la seule cause au développement du sionisme. Les prétendues ennemis du fascisme, l’Angleterre et la France, n’ont pas hésité à fermer leur frontière aux juifs qui fuyaient une Europe capitaliste devenue une maison de fous. En passant, voilà un épisode de l’histoire des  » démocraties  » occidentales qui n’est pas souvent  » commémoré « .
En 1945, au sortir de la guerre mondiale, la Palestine comptait environ 1 200 000 arabes et 600 000 juifs. Les Etats Unis et les pays d’Europe auraient pu accueillir les centaines de milliers de réfugiés juifs mais en fait, ils ne s’en préoccupèrent mêmes pas et ce sont les revendications des sionistes, pour la création d’un Etat juif sans arabes qui vont apparaître comme une perspective et un espoir aux réfugiés.
Au même moment, alors que des révolutions éclatent sur tous les continents contre un système capitaliste pourrissant, les Etats européens ont de plus en plus de mal à maintenir leur ordre colonial. La Grande Bretagne préféra laisser à l’ONU le soin de décider du sort de la Palestine. L’ONU, qui prétend être un acteur neutre, béni par l’auréole des droits de l’homme, propose alors de créer deux états, l’un juif et l’autre arabe qui formeraient une union économique.

1917 : la déclaration de Balfour.

Alors que les anglais viennent de s’emparer de la Palestine au dépend de l’empire ottoman et grâce à la collaboration des combattants bédouins, ils s’engagent dans une déclaration auprès des sionistes à favoriser l’établissement d’un foyer national juif. Pourtant, bon princes les britanniques avaient déjà fait des promesses d’indépendance aux arabes, mais leur politique n’a pas grand chose à voir avec une fable à la Lawrence d’Arabie.

L’émigration des juifs en Palestine est alors fortement favorisée et les terres des arabes expropriées, dans le but de garantir les intérêts économiques de l’empire britannique. Comme le soulignait Lord Balfour :  » Le sionisme est plus important que les désirs et les préjugés de 700 000 arabes « . Voilà comment une cohabitation entre juifs et arabes vieille de plusieurs siècles est remise en cause pour des décennies.

Comment l’Etat d’Israël a t-il été créé ?

Les dirigeants sionistes, très déterminés, vont chercher à occuper le maximum de territoires en chassant les populations arabes. Une des méthodes consistait à organiser des massacres de villageois et à pousser les populations à s’enfuir pour liquider les dernières  » poches  » d’arabes. L’Etat d’Israël va voir le jour sur une région encore plus importante que ce qui était prévu par le plan de partage de l’ONU. En fait de  » partage « , il vaut mieux parler de pillage. Du coup, au terme de la première guerre israélo-arabe, l’Egypte et la Jordanie défaites s’emparent des restes du gâteau ; la bande de Gaza et la Cisjordanie.

La population du nouvel Etat d’Israël ne comptait pas que des rabbins illuminés qui voulaient bouffer de l’arabe. Une grande partie des militants sionistes étaient partisans des idéaux socialistes et pensaient qu’ils pourraient leur donner une réalité. Les implantations agricoles de l’époque témoignaient d’un état d’esprit collectif et égalitaire. C’était des  » kibboutz « , des fermes dans lesquelles les pionniers juifs mettaient en commun les fruits de leur travail. Mais en construisant cela au mépris des populations arabes, ils n’ont produit qu’une caricature de socialisme, qui n’avait rien de révolutionnaire.

Une Palestine judéo-arabe, vraiment démocratique, c’est à dire démocratique à l’égard des deux peuples, aurait pu être un formidable exemple pour tout le Moyen Orient et au-delà. Les différences de culture, d’éducation et de tradition n’auraient pas été un obstacle pour construire une autre société. Mais la politique des militaires sionistes a transformé pour plusieurs années le peuple israélien en peuple soldat, dominé par un rabbinat réactionnaire et obscurantiste.

L’Etat d’Israël va devenir un état militaire qui ne survivra que grâce au soutien des grandes puissances et en tout premier lieu des Etats Unis. Ceux-ci portent une grande part de responsabilité dans les conflits qui vont s’enchaîner pendant plus de 50 ans. Les Etats Unis, nouvelle puissance dominante après avoir gagné la Seconde Guerre Mondiale, avaient besoin de trouver dans cette région riche en pétrole des régimes et des armées pouvant leur servir de relais. Le régime israélien allait leur offrir. Les soldats israéliens qui se battent pour la création de leur propre Etat croyaient mourir pour leur peuple et la survie des juifs, mais ils mourraient pour les profits de Shell et de Standart Oil…

Un peuple humilié rêve d’une révolution

Après 1948, des centaines de milliers de Palestiniens se retrouvent dispersés dans des camps de réfugiés en Jordanie, au Liban, en Syrie, ou dans la bande de Gaza. Depuis plus de 50 ans, des générations entières de palestiniens naissent, vivent, et meurent dans les camps de réfugiés. Dans des conditions de vie, ou plutôt de  » survie  » effroyables, avec un chômage forcé dans des bidonvilles gigantesques, ils subsistent grâce à la distribution quotidienne des rations offertes par l’ONU, qui sont largement insuffisantes.

Un journaliste du Figaro raconte ses impressions après une visite dans un camps de réfugiés dans les années 70 :  » Il faut avoir le courage de se le demander : que ferions nous si nous avions 25 ans et que nous étions Palestiniens, c’est à dire, si nous n’avions jamais connu autre chose que des camps, des baraques en tôles ondulées ou faites avec de vielles caisses de bois dans le désert, dans la boue, dans la saleté, si nous avions vécu depuis notre naissance dans ces espèces de décharges publiques du monde, si nous n’avions jamais eu à manger que des rations de l’UNWRA, si, un jour, on nous avait dit : à partir d’aujourd’hui on vous supprime la savonnette mensuelle parce qu’il faut faire des économies, vos bienfaiteurs ont des problèmes d’argent ? Si nous n’avions jamais pu travailler parce qu’un réfugié qui trouve un petit travail d’éboueur ou de manœuvre perd ses droits de ration, car les lois sont absurdes, et le petit travail que peut trouver un réfugié n’est jamais suffisant pour nourrir une famille, et si pourtant en même temps on nous avait donné un minimum d’instruction parce que civilisation oblige, et que cela coûte moins de donner de l’instruction que d’offrir de quoi vivre et que cela donne bonne conscience ? « 

Et ce même journaliste, qui n’a pourtant rien d’un gauchiste, raconte son étonnement lorsqu’il rencontre des Palestiniens, qui dans cette misère, lui disent :  » Nous ne voulons pas seulement récupérer quelques kilomètres de terre, nous voulons changer le monde. « . L’Etat israélien a créé des générations de révoltés, des centaines de milliers d’hommes et de femmes, de jeunes, qui parce qu’ils n’ont plus rien à perdre, ont un monde à gagner.

 » Toutes les révolutions qui sont conçues en Palestine avortent dans les capitales arabes  » (proverbe palestinien)

Au fur et à mesure que l’Etat d’Israël se lance dans une politique d’expansion permanente, la révolte des réfugiés palestiniens devient le symbole de la résistance du monde arabe. En 1967, la guerre des  » six jours  » voit en moins d’une semaine l’écrasement des armées des états arabes face aux militaires israéliens. des centaines de milliers de réfugiés supplémentaires viennent s’entasser dans les camps de Jordanie, du Liban… Cette situation donne une forte impulsion au mouvement nationaliste arabe et des milliers de combattants vont rejoindre le mouvement de libération nationale de Palestine, le Fatah, créé en 1959 et dirigé par Yasser Arafat.

La politique d’Arafat, qui se concentrait sur le problème palestinien, était très critiquée par d’autres organisations de résistances palestinienne (comme le FPLP de George Habache) qui se donnaient des objectifs plus vastes et combattaient aussi les dictatures arabes. Arafat lui s’était engagé à ne pas  » exporter  » la révolte palestinienne dans les pays arabes voisins, en échange d’un soutien matériel et financier.

Les Etats arabes disaient soutenir les palestiniens, finançaient les organisations de résistances mais pour mieux chercher à les contrôler. Les organisations de résistance nationale vont devenir les représentants d’intérêts particuliers qui s’affronteront au sein de l’OLP, ceux des riches des pays arabes, bourgeois du Koweït ou d’Arabie Saoudite par exemple qui financent les commandos du Fatah mais se préoccupent peu du sort des exploités. Même les organisations les plus révolutionnaires (FPLP,FDLP,..) tomberont peu à peu sous la coupe des soviétiques ou des syriens. En fait les intérêts des réfugiés palestiniens sont bien plus proches de ceux qui depuis des dizaines d’années grossissent les gigantesques bidonvilles de Tunis, Bagdad, ou de Beyrouth. La seule différence, est que pour ces derniers, l’ONU n’a pas aménagé de camps, et que parfois, comme au Caire, ils ont occupé les tombes et les cimetières.

La lutte des réfugiés palestiniens depuis 1948 jusqu’en l’an 2000 a toujours suscité une solidarité énorme parmi les exploités du monde arabe et même au delà. Mais les premiers à en être conscients sont ceux que cet espoir menace, les dirigeants d’Israël, mais aussi les dirigeants des états arabes et les puissances impérialistes qui soutiennent les uns ou les autres au gré de leurs intérêts. Pour eux, la  » question palestinienne  » est une bombe à retardement qui menace  » l’équilibre économique  » de la région, une bombe qu’il faut désamorcer, quitte à faire passer un rouleau compresseur sur les camps de réfugiés. Ce rouleau compresseur, ils n’hésiteront pas à le faire passer à chaque fois qu’ils se sentent menacer.

Septembre noir en Jordanie et guerre civile au Liban : vérification des proverbes populaires

En 1970, en Jordanie, les organisations palestiniennes devenues très importantes contrôlent quasiment le pays, mais Yasser Arafat et la direction de l’OLP se refusent à renverser la monarchie régnante du roi Hussein, qui était détesté par son peuple. De plus le monarque n’était pas du genre à tolérer un contre-pouvoir aussi influent et bien plus populaire, et se préparait depuis des mois au coup de force contre les commandos palestiniens. Pour que les dirigeants palestiniens aillent jusqu’au bout de leur position, il aurait fallu se lancer dans une révolution et renverser la monarchie, mais ce projet n’était pas partagé par l’ensemble de l’OLP. La stratégie privilégiée par tous était de mener des opérations de terrorisme international (prises d’otages de touristes occidentaux dans les grands hôtels, détournements d’avions, etc.) pour convaincre l’opinion publique occidentale du bien fondé de la cause palestinienne.

Le 17 septembre, le roi Hussein lance l’offensive générale contre des commandos palestiniens dispersés qui se feront tailler en pièce malgré une résistance héroïque. Cet épisode restera sous le nom de Septembre noir. L’opération préventive contre la révolution qui menace sera approuvée par tous les chefs d’état arabes. La capitale, Amman, devient un champs de ruines jonché de cadavres. Il y eu en tout 3500 morts et plus de 10 000 blessés. Et à peine quelques jours après les massacres, Arafat se réconcilie avec le roi Hussein. C’est à ce moment un choix délibéré de privilégier les alliances avec les régimes arabes, quelque soient les conséquences pour les réfugiés palestiniens. Ce ne sera pas la dernière fois.

Au Liban, à partir de 1973, grèves et manifestations se succèdent. Des groupes armés se constituent dans les quartiers populaires, qui comptent de nombreux réfugiés palestiniens. Le pays est déstabilisé et les pauvres, quelque soit leur origine, en ont marre d’en avoir marre. Une insurrection populaire est en marche .En 1975 à Saïda, après une intervention de l’armée causant 11 morts dans une manifestation de pêcheurs, la ville se couvre de barricades. Comme en Jordanie, les classes dominantes vont déclencher une guerre civile préventive contre le peuple libanais et les réfugiés, à coup de bombardements aériens sur les quartiers pauvres. Mais cela n’était pas suffisant, et l’armée elle même ne suffisait plus, se décomposait. La bourgeoisie libanaise décida alors de financer des milices d’extrême droite, les Phalanges, inspirées des phalanges de la dictature franquiste d’Espagne. Et il fallut finalement une intervention d l’armée syrienne en 1976 pour mater la révolte.

Ce fut une insurrection populaire qui aurait pu devenir une révolution internationale. Mais ce possible s’est évanoui et de guerre civile, le conflit devint une guerre confessionnelle, entre chrétiens et musulmans. Arafat, quant à lui, annonçait clairement en 1975 qu’il allait laisser les milices d’extrême droite massacrer tous les ouvriers et les pauvres soulevés :  » Tout ce qui se passe au Liban est injustifiable. La révolution palestinienne sait pour sa part que le véritable chams de bataille se trouve en Palestine et qu’elle ne peut tirer aucun bénéfice d’une bataille marginale qui la détournerait de son véritable chemin.  » Arafat savait que cette bataille n’avait rien de  » marginale « , mais il savait aussi qu’il perdrait le soutien des états arabes s’il défendait une lutte commune des Palestiniens et des Libanais contre leurs oppresseurs.

L’éclatement de  » l’Intifada « 

L’Intifada –  » le réveil  » ou  » le soulèvement  » en arabe-, a commencé par un accident de la circulation. Le 7 décembre 1987, un camion militaire israélien fait trois morts en heurtant un taxi collectif transportant de ouvriers palestiniens. C’est alors que les premiers projectiles de ce qui allait devenir la  » guerre des pierres  » commencèrent à voler vers les soldats. En une semaine, le soulèvement s’étend à l’ensemble des territoires occupés.

L’Etat israélien a décidé alors de  » mater la subversion  » selon le ministre de la défense de l’époque Yitzhak Rabin. De nombreuses méthodes vont être essayées pour briser la révolte. Le couvre-feu est instauré dans les territoires occupés et le militaires tirent à vue sur ceux qui ne le respectent pas. Des centaines de maisons sont rasées à titre de représailles. La tactique de l’armée consiste aussi à tirer pour blesser de façon irrémédiable les jeunes combattants de l’Intifada. On compte maintenant dans la population palestinienne nombre de jeunes d’une trentaine d’années handicapés à vie : blessés au genoux par des balles en plastique, ou bien paralysés après avoir reçu une balle tirée dans le dos.

L’Intifada, c’est la révolte, l’éveil de toute une génération, née au début des années 70 et qui n’a connu que la misère des bidonvilles et l’humiliation de l’occupation israélienne. Et face à toute une population qui n’avait plus d’autre espoir que sa propre révolte, toutes les opérations militaires devaient se révéler inefficaces. L’armée pouvait empêcher une manifestation de se tenir, mais pas éviter que les manifestants essaient de nouveau quelques jours plus tard.

C’est au sein même de l’armée israélienne que les premières fissures apparaissent. Les jeunes soldats israéliens qui font leur service commencent à douter sérieusement des opérations de police et de répression menées contre des jeunes de leur âge. Il y eut 1500 militaires israéliens pour refuser de servir dans les territoires occupés et 150 écopèrent de peines de prisons. Au début des années 1990, la situation devint tellement explosive, en particulier dans la bande de Gaza, que même l’état major israélien était divisé sur la poursuite de l’occupation.

Les dirigeants israéliens se sont trouvés face à une impasse et ont dû se résoudre à céder la place dans les territoires occupés à un pouvoir palestinien. Or à qui le céder sinon à l’OLP qui depuis 30 ans se prépare à cette tache ? Les négociations vont être une chance pour les dirigeants de l’OLP qui depuis l’intervention israélienne au Liban, au début des années 80 sont en exil en Tunisie. Surtout que sur le terrain, parmi les populations arabes, ce sont le mouvements islamistes qui en étant plus radicaux qu’Arafat, gagnent de l’audience. L’OLP est prête à jouer le rôle de notables de service sur un micro-territoire que les dirigeants israéliens veulent bien leur concéder. Financée par les états arabes, l’OLP dispose de fonctionnaires, de soldats, d’une police, d’un gouvernement, et le seul qui n’ait aucun contrôle sur elle, c’est le peuple palestinien…

De plus, au début des années 90, le capitalisme mondial entre dans une nouvelle phase de concurrence ultra violente qui provoque une succession de fusions d’entreprises et de concentrations de capitaux aux quatre coins du globe. Quant aux patrons israéliens, soumis à la pression de la concurrence, ils ont quand même besoin d’accéder aux territoires occupés qui leur fournissent des débouchés et surtout une main d’œuvre palestinienne qu’ils ne se gênent pas pour surexploiter. Le processus de paix a aussi permis d’imposer des règles de circulation encore plus restrictives. Seuls les adultes capables de travailler, avec le bon profil, sont autorisés à quitter les Territoires occupés.

Mais cette guerre menée à l’extérieur, les gouvernement israéliens qui se succèdent la mènent aussi à l’intérieur contre les citoyens israéliens, arabes comme juifs. C’est une politique antisociale, ultra-libérale qui est appliquée depuis plusieurs années et qui a provoqué plusieurs manifestations et mouvements de grève parmi les travailleurs israéliens.

Fin 1993 des accords sont signés pour la création d’une Autorité palestinienne sur la bande de Gaza et autour de la ville de Jéricho, en Cisjordanie. L’OLP, ses cadres dirigeants et ses soutiens financiers, sont prêts à jouer le rôle de force de police, supplétifs du régime israélien. Cette situation satisfait en partie les bourgeois palestiniens, entrepreneurs, cadres de l’OLP qui voient leur situation personnelle se stabiliser légèrement. L’OLP va pleinement remplir son rôle et très vite va prendre l’habitude de collaborer avec l’armée israélienne. La police palestinienne fera la chasse à tous ceux qui critiquent les négociations, employant la torture et arrêtant même des avocats défenseurs des droits de l’homme. Les médias, radio et télé sont placés sous contrôle de l’Autorité palestinienne. C’est clair, cette  » autonomie  » n’est pas celle du peuple palestinien.

Un processus de paix provocateur de révolte

Mais le processus de paix n’est pas la fin de la guerre. Bien au contraire, il marque une nouvelle étape dans l’oppression du peuple palestinien. En circonscrivant un embryon d’autonomie palestinienne sur des minuscules portions de territoires, les dirigeants israéliens vont les transformer en camps renfermés sur eux mêmes.

C’est d’abord l’implantation des colonies juives dans les territoires occupés qui va être encouragée par tous les gouvernements. C’est la nature même de l’Etat d’Israël, sa situation économique qui l’oblige à cette expansion permanente au mépris total des peuples voisins. Ainsi à Jérusalem, des dizaines de milliers de riches familles israéliennes prospèrent dans les quartiers chics de Maale Amudin. Pour eux c’est la loi israélienne qui s’applique. Mais leurs voisins arabes, eux, ont droit à la loi des cours martiales. En Afrique du Sud, on appelait cela Apartheid. Et certains s’étonnent qu’une nouvelle Intifada ait éclaté ! Le simple fait de trouver de l’eau potable relève du parcours du combattant en Cisjordanie. Pas vraiment parce qu’il en manque, mais parce que 90% des ressources en eau servent à la consommation d’Israël.

Intifada nouveau siècle

Qu’est ce qui a provoqué le déclenchement de la colère des jeunes palestiniens ? Il n’ y pas d’explication toute faite. C’est en même temps l’épuisement d’un processus de paix, qui depuis 7 ans ne voulait plus rien dire pour les réfugiés. C’est aussi la faillite d’Arafat et de l’Autorité palestinienne qui ressemble de plus en plus à un simple contingent de CRS, qui aurait promis le rêve de l’indépendance à tout un peuple mais qui ne voudrait pas fâcher ses supérieurs hiérarchiques, les militaires israéliens. C’est aussi ce bouffon de Clinton, qui par ambition personnelle, dans l’espoir de décrocher le prix Nobel, a voulu forcer un accord israélo-arabe avant la fin de son mandat. Et ce sont aussi ces militaires israéliens, de Barak à Yitzhak Rabin, qui n’ont pas cessé de se présenter en partisans de la paix, pour faire tout le contraire une fois au élu.

Bien sûr la visite d’Ariel Sharon,  » le boucher de Sabra et Chatila  » (massacres sur des camps de réfugiés au Liban en 1982), qui se pointe sur l’Esplanade des mosquées, protégé par les soldats de Barak a été la provocation qui a fait partir les premières pierres. Comme si Poutine allait faire du tourisme en Tchétchénie… Et ces militaires israéliens qui dispersent les manifestations à coup de rafales de mitraillettes, qui utilisent des balles calibrées pour transpercer les blindages plutôt que les traditionnels gaz lacrymogènes…

En fait, cette nouvelle révolte de la jeunesse palestinienne est une des meilleures bonnes nouvelles de ce début de millénaire. Il reste à l’armer avec autre chose que des délires religieux et antisémites. Ses alliés s’affirment déjà parmi les jeunes israéliens qui refusent d’aller tuer des gosses dans les territoires occupés, et qui début octobre 2000 ont signé un manifeste appelant à l’insoumission. Cette révolte devra aussi s’armer avec autre chose que des pierres. Non seulement pour pouvoir un jour faire reculer l’armée israélienne mais aussi pour se doter de sa propre organisation, d’une réelle indépendance vis à vis de la police palestinienne et de l’OLP. L’organisation armée des pauvres est une nécessité démocratique pour pouvoir défendre les droits de la collectivité contre les dictatures. La démocratie, c’est la liberté des peuples de choisir leur avenir collectivement. Cette liberté ne se gagnera pas par des négociations au sommet entre militaires et bureaucrates mais contre ces minorités d’oppresseurs.

Les médias français ont présenté une vision débile et geignarde des dernières semaines, comme si c’était une  » guerre ethnique  » et que la violence était une fatalité incontrôlable. Encore une occasion pour faire croire aux téléspectateurs que rien n’est possible, que c’est bien triste tout cela, mais voilà, nous on ne peut rien y faire, passons donc aux cours de la bourse…

Les agressions contre les synagogues en France n’ont montré que l’aspect négatif, sans issue, d’une révolte qui existe aussi ici, qui est encore en germe mais qui pourrait s’exprimer dans les mois et les années à venir. Mais comment s’étonner que les jeunes s’identifient à leur  » communauté  » juive ou arabe, quand les journaux et les télés font la part belle aux extrémistes des deux bords ? La révolte des peuples devra trouver en elle même les armes de son émancipation, pour transformer cette colère qui anime ceux qui n’ont plus rien à perdre. Reconstruire une solidarité internationale, dans la perspective d’une révolution mondiale est une nécessité immédiate. C’est le minimum humain à mettre en œuvre là où nous sommes.

En réclamant l’intervention d’une force internationale, Arafat montre qu’il n’a rien à proposer aux jeunes révoltés, et qu’il peut entrer en maison de retraite. Les dirigeants de l’OLP ne visent qu’à protéger leur petite parcelle d’autorité déstabilisée par le mécontentement des jeunes. En mendiant une intervention de l’ONU, c’est aussi l’aveu que la collaboration OLP-Armée israélienne-CIA n’a pas réussi à désarmer la révolte des jeunes palestiniens. Tout ce que provoquerait une intervention des Casques bleus et de cette ONU soi-disant auréolée des droits de l’hommes, serait de laisser mourir à petits feux les habitants des bidonvilles. La politique de la soi-disant Communauté Internationale, c’est celle des Clinton, Blair et Poutine qui prétendent diriger le monde mais qui ne sont que des serpillières étiquetées Microsoft ou Général Motors. Quant à Chirac et Jospin, ces deux gaulois désespèrent de jouer un rôle dans ces marchandages. Faute de mieux, ils sont prêts à soutenir Arafat. C’est toujours cela de gagné pour le développement des entreprises françaises en Palestine.

La logique des conflits au Moyen Orient n’est pas de nature confessionnelle ou  » ethnique  » entre juifs et arabes. Ce sont les discours de haines entre religions ou entre peuples qui sont des politiques menées pour des intérêts particuliers. Les mouvements islamistes ont une audience nouvelle car les dirigeants de l’OLP se sont complètement décrédibilisés en faisant la police pour l’Etat d’Israël. Mais derrière l’invocation de la défense de la mosquée Al-Aqsa, il y a les intérêts d’un clergé réactionnaire, tout aussi obscurantiste que l’extrême droite sioniste, qui veut prendre sa place dans les pouvoirs d’Etat.

La solution des problèmes religieux comme des problèmes nationaux passe par une transformation sociale radicale des états du Moyen Orient. Comment pourrait-on parler d’indépendance palestinienne sans se débarrasser d’abord des frontières héritées du colonialisme et de la domination impérialiste qui s’exerce toujours dans cette région ? Mais le droit des palestiniens à exister en tant que peuple est inséparable du droit des Israéliens à avoir leur propre autonomie nationale. Mais l’autonomie nationale implique-t’elle nécessairement la séparation entre différents états ? Une telle logique amènerait aussi les Arabes israéliens à vouloir constituer leur propre état, tout comme les colons israéliens de Palestine. Le Moyen Orient se retrouverait de plus en plus morcelé et les peuples divisés. Car une des questions essentielles reste de savoir qui contrôle ces états. Les juifs ont constitué leur propre état, et depuis 50 ans d’existence d’Israël, il y un fait national israélien qui a pris corps, dans les mentalités et dans la société. Mais les Israéliens sont aussi les premières victimes de cet Etat religieux antidémocratique, qui interdit le droit de grève, et il y a quelques années encore, considérait la torture comme tout à fait légale.

VIVRE SOUS L’APARTHEID

Vivre à Gaza, territoire occupé

Gaza, comme la Cisjordanie, est un territoire, en vertu des accords signés, sous le contrôle de ce que l’on appelle l’Autorité palestinienne. Cependant, la bande de Gaza comprend plusieurs sous-ensembles toujours contrôlés par l’armée israélienne, sur lesquels on trouve les colonies d’implantation juive. Ces constructions coloniales contrastent avec les nombreux bâtiments inachevés, preuve des difficultés économiques qui assaillent les Palestiniens.

Les Palestiniens, réfugiés dans ce petit bout de terre de 40 km de long sur 7 de large, vivent nombreux dans des camps, faute de mieux, et ce pour certains depuis 1948. Pour d’autres, revenus d’exil dans les pays arabes, pas de carte d’identité ni d’autorisation de travail, pas même d’existence légale dans de nombreux cas. Bien qu’estampillées par l’autorité palestinienne, la carte d’identité et l’autorisation de travail sont délivrées par les autorités israéliennes, qui prennent le droit de donner selon leur bon vouloir l’autorisation d’aller travailler en Israël. La bande de Gaza et ses habitants étouffent sous le poids d’Israël, qui de part sa présence via les colonies impose sa domination et qui contrôle les déplacements des Palestiniens travaillant en Israël ( les Palestiniens sont contrôlés aux Check Points, ce en sortant de Gaza, puis dans les villes israéliennes et à leur retour. La libre circulation n’est donc pas une réalité et les quelques Palestiniens qui ont l’autorisation de travailler sont surveillés par l’armée israélienne voire renvoyés chez eux sans raison apparente, par simple provocation.

L’activité économique de Gaza est constamment limitée par l’administration israélienne (quotas sur le nombre de bateaux de pêche, cargaisons de fruits et de légumes qu’on laisse pourrir au point de passage d’Erez, refus d’accorder des autorisations pour creuser le sol ou pour construire des infrastructures,…). Le taux de chômage est passé de 18% en 1993 à 34% en 1997. La bande de Gaza ressemble plus à un camp de réfugiés qu’à un territoire indépendant et les Palestiniens y vivent dans des conditions déplorables, encadrés militairement par les Israéliens, qui eux, n’ont aucun problème pour se nourrir.

Le vrai visage de la « démocratie israélienne ».

Un régime d’apartheid. Près de 20% de la population d’Israël est composée d’arabes israéliens. Rappelons-le, il s’agit là de Palestiniens qui sont citoyens israéliens, qui expriment leur rage face à 50 ans de frustration liée à l’inégalité flagrante et aux humiliations que leur impose l’Etat juif et qui se montrent solidaires des Palestiniens des territoires occupés. De fait, ces citoyens israéliens, même s’ils ont le droit de vote et sont représentés par 12 députés à la Knesset (parlement israélien), sont victimes de la domination de la population juive. Ainsi, la police multiplie les contrôle au faciès, les arabes d’Israël n’obtiennent qu’à de rares exceptions des permis de construire et peuvent à n’importe quel moment être expropriés de leur terre. Il faut aussi souligner les dures conditions de travail qu’ils connaissent, car les riches israéliens exploitent cette manœuvre à bon marché et les Arabes d’Israël, s’ils veulent survivre n’ont pas d’autres choix que d’accepter ces conditions de travail. La grande majorité de cette population arabe vit en Galilée, région du Nord d’Israël, qui en 1947, lors du partage de l’ONU, était palestinienne.

Ehud Barak n’a qu’une seule réponse : la violence et la menace d’utiliser plus de violence encore. Pour Barak, qui cherche les meneurs, Arafat est celui qui aurait allumé la révolte en Cisjordanie et à Gaza, et c’est lui qui peut donc y mettre un terme. Il ne lui vient pas à l’esprit que c’est d’avoir soulevé la question de l’esplanade des Mosquées qui a poussé les Palestiniens de Cisjordanie et de Gaza dans la rue ; que c’est le sang versé sur cette même esplanade des mosquées en 1990 et 20 ans de promesses non tenues qui ont poussé les Palestiniens de Galilée à se révolter . Mais beaucoup de sang a coulé, et va continuer à couler, à cause de cette myopie des dirigeants travaillistes, qui refusent de comprendre que la supériorité militaire écrasante d’Israël ne peut pas et ne pourra jamais être un facteur de stabilité, encore moins de paix ou de réconciliation au Moyen-Orient. Barak, comme Rabin et Pérès, a cru qu’il pouvait se servir de cette supériorité pour imposer chaque fois des conditions plus humiliantes dans le cadre des négociations avec Yasser Arafat ; jusqu’à ce que cela craque. Barak et ses prédécesseurs ont cru qu’ils pouvaient gérer indéfiniment un « Etat juif et démocratique », c’est-à-dire un jeu démocratique basé sur la discrimination systématique de 20 % de la population, jusqu’à ce que la minorité arabe refuse de jouer le jeu.

Que le sang coule ! La rage meurtrière des forces armées israéliennes n’a pas été une « réaction exagérée » aux manifestations palestiniennes ou due au fait qu’elles ont été surprises par l’usage d’armes à feu par certains des manifestants et des membres des services de police palestinienne. L’usage massif de la force, y compris des tanks et des hélicoptères de combat, avait été planifié de longue date et tout ce qui a été réalisé sur le terrain était inscrit dans les plans opérationnels de l’armée.

Depuis plus d’un an l’état-major avait reçu l’ordre de préparer des plans de riposte au cas où l’OLP déclarerait l’indépendance de l’État de Palestine, ce qu’elle n’a pas fait, mais puisque les plans étaient prêts…. Si l’on en croit les journalistes israéliens bien informés, ces divers plans avaient pour objectif de faire payer chèrement aux Palestiniens leur initiative. « Le sang devra couler » mentionne explicitement l’un de ces plans, et le sang a coulé. L’utilisation massive de tireurs d’élite ne laisse planer aucun doute : l’armée a reçu l’ordre de tirer pour tuer. Plus de deux cents morts et des milliers de blessés, le prix payé par les Palestiniens est extrêmement lourd, et pourtant la détermination n’a, jusqu’à présent, pas faibli. Au contraire : par milliers, les militants se préparent à un combat qui va durer, que ce soit sous la forme de confrontations de masses ou d’opérations de guérilla contre les objectifs israéliens dans les territoires occupés. Et sans doute aussi des attentats en Israël même, qui feront des victimes dans la population civile.

Le deuxième front. Si les dirigeants israéliens ont pu rêver d’en découdre et de faire couler le sang, il ne leur a pas fallu longtemps pour comprendre que la confrontation militaire était plus problématique que ce qu’ils espéraient. Non pas à cause des quelques milliers d’armes légères que possèdent les policiers palestiniens et les groupes nationalistes, mais à cause de la solidarité arabe. Le second front s’est ouvert quelques jours seulement après les confrontations de Jérusalem. Il s’agit du front des citoyens palestiniens d’Israël qui ont pris l’initiative d’un véritable soulèvement populaire en Galilée et dans la région du Wadi ’Ara, au cœur d’Israël. Pendant plus d’une semaine les villages juifs qui ont été établis au cours des deux dernières décennies pour « Judaïser la Galilée », ont été véritablement assiégés par des milliers de manifestants palestiniens, des dizaines de routes fermées à cause du danger que représentaient les embuscades de jeunes Palestiniens armés de pierres et de cocktails Molotov, et des affrontements quotidiens qui ont opposé la population palestinienne aux forces de l’ordre dans des dizaines de villes et de villages arabes de Galilée et du Wadi ’Ara, à une quinzaine de kilomètres de Tel Aviv. Pendant une dizaine de jours, ces citoyens israéliens ont exprimé simultanément leur rage face au massacre dans les territoires occupés et aux 50 ans de frustration liés à l’inégalité flagrante et aux humiliations que leur impose l’État Juif. La répression qui a suivit fut le lieu de véritables pogroms anti-arabes : à travers tout le pays, des jeunes armés de bâtons et d’armes à feu ont saccagé des villages arabes, brûlés les mosquées,… La police israélienne, censée protéger tous les citoyens de l’état, y compris ceux de confession musulmane, a préféré se joindre aux  » pogromistes « , plutôt que de défendre les populations arabes. On voit là quelle dimension prend le conflit : on assiste à des affrontements intercommunautaires où l’une des communautés est protégée par la police et soutenue par le gouvernement. Le gouvernement israélien ne parviendra pas à étouffer les discriminations, il lui faudra en prendre réellement conscience et les résoudre pour que les deux communautés puissent enfin espérer la paix.

UN CONFLIT PLUS POLITIQUE QUE RELIGIEUX

Comme on l’a dit plus haut, il est trop facile de réduire ce confit à un  » simple  » conflit religieux. Il s’agit d’un peuple opprimé par un autre et plus exactement d’un peuple opprimé par les dirigeants d’un pays, qui voient dans le maintien de l’ordre établi le moyen de pérenniser et de développer son économie en trouvant dans les territoires occupés une main d’œuvre peu chère pour venir travailler en Israël. Les subventions américaines permettent ce développement et offre aux USA la possibilité d’être incontournable dans cette région du monde (notamment vis-à-vis des pays producteurs de pétrole). La dimension religieuse est également présente de par le déchaînement des extrémismes religieux mais aussi par la référence constante des dirigeants israéliens et des médias à la religion. Ce n’est pas à une guerre de religion mais à une guerre d’indépendance, pour la libération d’un peuple à laquelle nous sommes tous confrontés.

La rencontre de Charm El-Cheikh a entretenu l’illusion de négociations, ce qui a permis aux américains de se dédouaner en montrant à tous qu’ils tentaient de régler pacifiquement le conflit, alors qu’ils continuent de subventionner l’armée israélienne !

Le peuple palestinien ne semble pas prêt de renoncer à son aspiration de liberté. Les logiques capitalistes et impérialistes d’Israël et des USA masqués par la référence à la religion et au droit moral des juifs à avoir un état (ce qu’ils ont déjà) ne conduiront pas à une paix durable et juste. Pour que l’Autre ne soit plus considéré comme un agresseur ni comme un inférieur de par ses croyances ou sa religion, ce sont ces logiques qu’il faut mettre à bas et créer une autre société ou la coopération économique est réelle, ou les besoins de tous et toutes soient satisfaits et les aspirations de toutes et tous prises en compte.

Depuis qu’ils ont entrepris de résister à l’injustice qui leur était faite, les Palestiniens ont appris qu’ils ne pourraient compter que sur la solidarité internationale.
Face aux massacres dont ils sont de nouveau les victimes, cette solidarité doit se manifester avec force. Chez nous, dès aujourd’hui, mobilisons-nous pour exiger l’arrêt des massacres en Palestine et la fin du soutien des états occidentaux à l’Etat criminel d’Israël.