Procès de Mazan, comment le capitalisme et le patriarcat favorisent la culture du viol et la domination masculine. Et comment en finir ! [Topo WEF oct 2024]

Topo de Claire de Metz et Cinzia de Paris 3

Intro

On va donc parler de patriarcat et de domination masculine. Impossible que ça ait échappé à quelqu’un ici, on a toutes et tous vu passer des articles ou des reportages de JT sur ce qu’on a appelé “l’affaire Pelicot”. C’est effectivement dans le titre du topo puisque ça va avec l’actu, mais surtout parce que cette affaire elle a la particularité d’être un cas d’école de l’expression de la domination masculine, de la culture du viol et donc du système patriarcal en somme. En fait cette affaire elle est au final plutôt banale, ce qui fait sa particularité c’est qu’elle est extrême dans sa banalité, mais en fait les histoires de viol, en l’occurrence même de viol conjugal, ce serait presque la norme dans un monde patriarcal et capitaliste. Mais c’est quand même important de préciser un peu la situation concernant cette affaire : on parle quand même donc de viol conjugal, c’est-à-dire que le mari Dominique Pelicot, en usant en plus de la soumission chimique (c’est-à-dire en drogant Gisèle) s’est octroyé le droit de disposer librement du corps de celle qui était sa femme, pour lui-même déjà, mais l’a aussi mise à disposition d’autres hommes en allant carrément les solliciter directement pour qu’ils viennent profiter d’elle. Il y a au total 51 accusés qui comparaissent, y compris le mari, donc il y a au moins 50 autres hommes qui n’ont vu aucun souci à traiter Gisèle comme un objet que Dominique leur aurait prêté, comme si ça leur revenait de droit. En fait on le voit bien, cette affaire parmi les nombreuses concernant les VSS, c’est celle qui a le plus de retentissement en France ces dernières années, mais des histoires d’agression, de viol ou même de féminicide, on en voit passer plein et de partout : on a eu il y a peu l’affaire Philippine, instrumentalisée d’ailleurs par l’extrême droite parce que son tueur est issu de l’immigration et sous OQTF, alors que surtout il était déjà connu comme étant un agresseur sexuel, et c’est plutôt ça qu’il aurait peut-être fallu souligner. À l’étranger cette fois, on a aussi eu la médecin indienne, violée puis tuée par son supérieur hiérarchique au sein de l’hôpital où elle travaillait. Bref, des exemples on en manque pas, et pas qu’en France : les violences envers les femmes sont courantes voire même normalisées. Là, on a parlé que de cas de violences physiques, tangibles en quelque sorte, mais l’oppression des femmes et les violences, la domination qu’elles subissent vont bien plus loin que les cas qu’on a cités qui n’en sont qu’une expression. C’est en fait un système de domination profondément ancré dans la société, qui ne sort pas de nulle part. C’est l’organisation de la société dans son ensemble qui engendre cette oppression et les formes qu’elle prend, que ce soit des violences physiques, symboliques, dans la sphère familiale privée ou en public, au travail, sans oublier la loi qui non seulement encadre tout ça, mais sert donc aussi d’outil d’oppression (on pensera notamment au droit à l’IVG, toujours remis en cause, ici comme ailleurs). On va donc voir que ce sont effectivement le capitalisme et le patriarcat qui alimentent la domination masculine et comment, mais tout d’abord il faut expliquer que cette oppression, dans les formes qu’elle a pris et dans celles qu’on lui connaît aujourd’hui, a bien une origine, et une raison d’être dans cette société, c’est-à-dire qu’elle joue un rôle dans le système de production capitaliste.

I – Domination masculine et oppression des femmes sous le capitalisme : le rôle de la famille, les origines du genre, la division sexuelle du travail

1 – La division sexuelle du travail comme un pilier historique du patriarcat, exploité et maintenu par le capitalisme pour maximiser l’exploitation des femmes.

En fait, le système d’exploitation capitaliste repose sur les divisions entre les individus : partout où il pourra diviser les classes travailleuses, le capitalisme s’engouffrera pour appuyer voire même créer les divisions en les basant sur des critères abstraits, et ce dans le but de générer plus de profits, que ce soit par le biais du racisme ou du sexisme. Effectivement, la première division entre les individus, c’est bien la division sexuelle du travail. En s’appuyant sur le critère biologique, dans un premier temps, on attribue aux hommes des tâches à la fois plus physiques mais aussi jugées plus valorisantes, alors qu’on va laisser aux femmes des travaux moins valorisants, plus minutieux et certes plus longs, mais surtout considérés “annexes”, donc inférieurs. On attribue en fait des rôles genrés aux individus.

C’est cette logique qui justifie ensuite de ne pas rémunérer les femmes puisqu’elles ne font “qu’aider leur mari” dans leur travail (par exemple les agriculteurs, même aujourd’hui, leur femme est souvent considérée comme aide non rémunérée), alors qu’elles fournissent le même travail, qui est au final simplement divisé entre les deux. Tout comme le capitalisme a utilisé le critère arbitraire racial pour justifier l’esclavage, appuyer sur la distinction de genre entre hommes et femmes sert à justifier la façon dont celles-ci sont exploitées dans le système de production. Dans les premières phases du développement capitaliste, elles sont d’abord renvoyées au foyer : le rôle des femmes est avant tout d’assurer la reproduction sociale, à la fois au sens du renouvellement de la force de travail en tant que subsistance en permettant à l’ouvrier (le mari) de n’avoir qu’à mettre les pieds sous la table et retourner à l’usine le lendemain, sans avoir à se soucier de toutes les tâches domestiques ou à s’occuper des enfants, mais aussi justement au sens d’assurer une descendance et donc de fournir une nouvelle génération de travailleurs à exploiter en devenir.

C’est donc pour assurer la production (au sens capitaliste) que les femmes sont reléguées aux tâches domestiques et au rôle de mère. Le travail et la sphère privée se retrouvent alors complètement séparés, la reproduction de la force de travail s’effectuant entièrement dans la sphère privée : la famille existe pour la reproduction de la force de travail pour la classe exploitante, ce qui en retour a de grandes conséquences sur la forme et la structure que prend la famille elle-même. Mais pourquoi se priver de la moitié de l’humanité ? Alors qu’on aura considéré trop longtemps qu’elles n’apportent qu’un “salaire d’appoint”, l’ordre impérialiste, inévitablement, provoque deux guerres mondiales au cours du XXè siècle, pendant lesquelles les femmes se retrouvent donc propulsées sur le devant de la scène : les hommes partis au front, il faut bien faire tourner les usines, et avec elles toute la société. Elles prouvent donc qu’elles sont parfaitement capables d’assurer le même travail, de tenir les mêmes fonctions que leurs homologues masculins, et elles ne veulent plus rester enfermées au foyer. Dans le même temps, on assiste au développement de nouvelles avancées technologiques, comme par exemple la machine à laver ou encore le frigo. Enfin,

c’est la libération pour les femmes ! Plus besoin de rester la majeure partie du temps à la maison pour s’occuper de toutes ces tâches, elles peuvent maintenant travailler comme les hommes, à plein temps… mais pour gagner moitié moins qu’eux. Les patrons mettent la main sur une nouvelle main d’oeuvre, et grâce au patriarcat, devenu un pilier du capitalisme, ceux-ci génèrent des bénéfices record en exploitant les femmes autant que les hommes, celles-ci produisant autant que leurs pairs, mais en étant payées bien moins, sur la base de leur sexe, ce qui permet aux capitalistes de faire une belle marge sur leur salaire. Alors après de nombreuses luttes, à la fois des ouvrières pour l’amélioration de leurs conditions de travail, et des femmes pour réclamer plus de droits et plus d’égalité, comme le MLAC dans les années 70, les choses ont fini par bouger un peu : on a effectivement obtenu plus d’égalité entre hommes et femmes dans l’exploitation capitaliste, mais ni le patriarcat ni le capitalisme n’en ont été ébranlés à proprement parler.

On parlait juste avant d’inégalités salariales : aujourd’hui l’écart entre hommes et femmes est encore de 24%, parce que les femmes prennent des congés maternité par exemple, et ont donc des trous dans leur carrière, ce qui se répercute aussi du coup dans leurs cotisations pour la retraite, par exemple, où on retrouve ce même écart de 24% en termes de revenu. C’est aussi plus fréquent qu’elles aient des emplois à mi-temps pour pouvoir s’occuper des enfants, donc nouvel écart de cotisations et d’annuités en plus du salaire touché et de la progression professionnelle ralentie (au minimum). En plus de ça, il est plus difficile pour les femmes d’accéder à des postes importants à cause des préjugés très ancrés dans la tête de chacun, par exemple les femmes seraient moins logiques que les hommes, et donc qu’elles ne sont pas en capacité d’assurer des fonctions directives, mais aussi tout simplement par crainte qu’elles tombent enceintes et donc quittent (même si c’est censé être temporaire) leur poste, qu’il y ait une discontinuité qui potentiellement se répercute économiquement sur la boîte, par exemple.

En somme, encore aujourd’hui, on voit bien que le capitalisme se sert du système patriarcal pour diviser les travailleurs et les travailleuses, et si cette division sexiste atteint toutes les femmes, au-delà de leur classe sociale, elle ne signifie pas pour autant que la façon dont il faut l’analyser doit être décorrélée de l’analyse du système capitaliste dans son ensemble, ni que la lutte pour s’en défaire doit être séparée de la lutte contre le système d’exploitation. Ça ne signifie pas pour autant qu’il n’y a que “la lutte de classe” qui constitue un réel combat, mais ça veut bien dire que la lutte contre le patriarcat ne peut pas être menée sans une lutte sociale, de classe, puisque le patriarcat, tout comme le racisme d’ailleurs, ont fusionné avec le système capitaliste, et ne peuvent plus en être dissociés aujourd’hui, tant ils s’en constituent comme piliers.

2 – L’analyse des structures patriarcales qui survivent et prospèrent sous le capitalisme, où les femmes sont opprimées en tant que force de travail et objet de consommation

Comme on a commencé à en parler tout à l’heure, c’est dans la sphère privée, dans la famille, qu’est assurée la reproduction de la force de travail. C’est donc là, au sein-même de la famille, que l’oppression des femmes commence et se perpétue sous le capitalisme. C’est effectivement là que se développent les premières relations sociales, que l’on perçoit les premiers codes des rapports sociaux entre les individus : c’est d’abord avec sa propre

famille que l’on apprend l’ordre social établi, la hiérarchie à la fois générationnelle et genrée, qu’on intègre cette structure et que derrière, on reproduit ces schémas au quotidien dans toutes les sphères de la société, qu’il s’agisse de relations privées ou même au travail. La sphère familiale est un lieu très propice de violences sexistes et sexuelles, allant de l’inceste jusqu’aux violences conjugales. Reprenons sur Pelicot : c’est l’aspect moins connu de l’affaire, mais en fait le mari Dominique est donc à la fois le violeur et proxénète de sa femme Gisèle, mais aussi le père et l’incesteur de leur fille Véronique. Sans s’étaler plus longtemps sur l’affaire en elle-même, mais, comme on le disait, cette affaire est un cas d’école : ça montre que ça se passe souvent au sein-même de la famille, dans laquelle on a déjà cette structure hiérarchique qui se reproduit ensuite dans tout le reste de la société : à savoir le patriarche en tant que maître de la famille, de la maison, qui a le contrôle sur les autres membres, parfois par la terreur et la violence, que ce soit sa femme ou ses enfants, petits-enfants ou neveux, majoritairement des petites filles.

Cette structure familiale, elle sort pas de nulle part et il faut remonter un peu pour recoller les pièces du puzzle : en fait, à partir du moment où l’humain se sédentarise et de fil en aiguille obtient la propriété privée et que donc apparaissent les intérêts économiques individuels, se pose la question de la transmission de cet héritage accumulé. Précisons quand même que la division genrée entre hommes et femmes existait déjà avant la propriété privée, avec des tâches spécifiques qui revenaient à l’un ou l’autre sexe sur ce critère-là, par contre l’apparition de la propriété privée a pour conséquence de provoquer la domination sur les femmes par un contrôle quasi total, une privation de leur individualité : c’est le début du modèle familial bourgeois dans lequel on choisit la patrilinéarité pour la transmission aux enfants, et dans le but de défendre ses propres intérêts économiques apparaît, entre autres, le mariage d’intérêt. En plus, la mère n’a pas besoin de prouver la filiation, alors que le père si, d’autant plus donc que c’est de lui qu’on hérite de son statut et de ses richesses, donc on a besoin de contrôler le corps de la femme pour qu’elle assure la filiation, à la fois au sens de juste produire des héritiers, mais aussi de produire ceux du mari et pas d’un autre homme pour éviter tout conflit autour de l’héritage qui pourrait détruire le noyau familial. Pour ça donc, on impose à la femme la chasteté et la fidélité dans le mariage pendant très longtemps à travers l’histoire, mais pas réciproquement. Littéralement : dans le code civil, il était toléré que le mari “aille voir ailleurs”.

En fait, la femme n’existe qu’à travers les hommes de sa famille : elle hérite de son statut par le père, qui lui trouve un bon parti économique et politique pour la marier et passe de l’autorité de son père à celle de son mari, le tout officialisé et encadré par les liens sacrés du mariage, donc par l’Église, fidèle pilier du système féodal puis bourgeois. Le mariage étant un contrat, il permet littéralement de réguler les termes de celui-ci en actant légalement la soumission de la femme à son mari, et l’impossibilité pour elle de s’en défaire puisqu’elle ne peut pas divorcer. Les femmes donc sont complètement soumises par ce biais, auquel vient s’ajouter la dépendance organisée : interdiction de travailler, d’avoir un compte bancaire, en France les femmes ont eu le droit à leur propre chéquier en 1965, donc quand bien même on voudrait divorcer, impossible de subvenir à ses propres besoins ou ceux de ses enfants sans le mari, ou avec son simple “salaire d’appoint” comme on le mentionnait tout à l’heure. En gros, la structure sociale, fait que les hommes voient les femmes comme leur propriété : que ce soit la conjointe, la mère ou la soeur, les femmes sont de fait rattachées aux hommes de leur entourage et on a du mal à leur reconnaître une existence par elles-mêmes : jusqu’à récemment elle était soumise au père, à l’oncle, au frère et n’avait pas de statut ni légal ni social par elle même, c’est d’ailleurs la raison pour laquelle encore aujourd’hui on considère souvent le viol comme une attaque envers le mari, une atteinte à l’honneur du père, bref à un homme. Considérer les femmes par rapport aux hommes qui les entourent, c’est aussi la raison pour laquelle on ne reconnaît toujours que difficilement l’inceste ou le viol conjugal, qui constituent pourtant l’écrasante majorité des viols (90% commis par des proches), alors que persiste encore le mythe du violeur étant un inconnu masqué dans un garage la nuit.

Par ailleurs, ce mythe permet d’alimenter des idées réacs : “le violeur est un monstre”, “le violeur est un inconnu”, ont vite fait de devenir “les inconnus sont des monstres” et de raccourcir encore “les immigrés sont des monstres” et donc “les immigrés sont des violeurs” comme on le voit avec l’instrumentalisation de l’affaire Philippine par l’extrême-droite. Cela se fait en détournant le problème réel qui se pose : celui de la structure familiale et sociale. On sait aujourd’hui que les agresseurs sexuels sont en majorité des proches, voire même des membres de la famille (directe ou indirecte), des personnes qui connaissent leurs victimes et se servent de leur statut par rapport à celles-ci. Le problème est systémique : il découle de la société capitaliste malade, pourrissante, qui répète et alimente les mêmes schémas sociaux aux mépris des conséquences de ceux-ci, y compris au sein-même de la famille bourgeoise. La famille nucléaire est un mythe : comme le disait Marx, de tout temps l’idéologie dominante a été celle de la classe dominante. C’est donc un modèle bourgeois de la structure familiale qui a été imposé à toute la société. Mais ce modèle peut et doit être dépassé, pour changer les rapports sociaux entre les individus et dépasser les divisions entre les individus sur des critères genrés.

3 – les mécanismes symboliques et matériels de la domination masculine et comment remettre en question la culture du viol et l’oppression par une approche de classe

La domination masculine, elle s’accomplit donc dans la société parce qu’on intègre dès le plus jeune âge la différence entre garçon et fille, les stéréotypes de genre sont très ancrés dans la tête de chacun. Le patriarcat c’est bien la forme d’organisation de la société qui place l’homme hiérarchiquement au-dessus de la femme, à la fois sur les plans politique, économique, religieux et familial. Le problème, c’est bien la question du genre. En utilisant les structures cléricales et étatiques, la classe dominante organise et légitimise la mise en place et la perpétuation de ce modèle de société. Il y a donc de la violence physique, sur laquelle on se bat aujourd’hui pour mettre des mots pour faire reconnaître leur réalité : agression, viol, harcèlement, ou encore meurtre ou même féminicide. Mais il y a aussi toute une violence intangible, que Bourdieu a appelée “symbolique” (et même s’il a pas raison sur beaucoup de choses, ce concept n’est pas à jeter complètement). Cette violence symbolique, c’est le fond de la structure : la façon dont les dominés (en l’occurrence les femmes, mais on pourrait appliquer cette analyse à la classe sociale) internalisent leur soumission et la légitimisent, parce que la société leur dit qu’il y a “pire que leur situation”. C’est donc par ce moyen que les rapports de domination se maintiennent dans la société patriarcale, et par extension le système d’exploitation capitaliste qui repose lui-même sur les différents rapports de force. C’est bien en maintenant ceux-ci et en alimentant les antagonismes entre les individus, sur la base du genre ou de la classe par exemple, que le système dans son ensemble prospère. Paradoxalement, le capitalisme, en ramenant les femmes au travail a jeté la première base de l’égalité entre les sexes, en effaçant la division sexuelle du travail (au sens où hommes et femmes effectuent le même travail dans la production), en rendant l’ouvrier et l’ouvrière presque égaux dans leur exploitation.

On peut même étendre ça à la race : face au patron, l’entièreté des classes travailleuses se retrouvent exploitées, et c’est grâce aux mécanismes qu’on a mentionnés, de division et de violence symbolique, que le capitalisme nourrit et entretient l’antagonisme entre les individus d’une même classe. Par exemple, en utilisant des travailleurs sans-papiers pour avoir une main d’oeuvre encoire moins coûteuse, cela permet au patron d’antagoniser ceux-ci vis-à-vis des travailleurs locaux en les portant responsables des licenciements ou au minimum de la déterioration des conditions de tous les travailleurs, le tout en alimentant du coup des idées réactionnaires.

D’autre part, certaines féministes défendent aujourd’hui l’idée d’une “classe de femmes”, qui se fédèrerait autour de leur oppression commune, et donc de leur lutte commune contre le patriarcat et la domination masculine. Mais c’est en fait erroné d’appréhender la question sous cet angle : les conditions matérielles d’existence des femmes travailleuses ne sont pas les mêmes que celles des femmes bourgeoises. Il est donc impossible de défendre des intérêts communs sans prendre en compte les différences de classe, et une politique proposée par les femmes bourgeoises ne satisferaient que leurs propres attentes d’égalité avec leurs homologues masculins et bourgeois, et ne servirait donc qu’à creuser encore l’écart de classe avec les travailleuses qui ne bénéficieraient pas des privilèges que les bourgeoises auraient obtenu pour elles-mêmes. Il n’y a que la classe ouvrière qui puisse proposer une politique de résolution de cette question de l’oppression des femmes, en fait il n’y a que la lutte sociale qui permette une amélioration des conditions de toute la classe ouvrière, au-delà du genre, de la race ou de la classe, et qui puisse résoudre la question féminine. Là où les conditions d’existence de la classe ouvrière s’améliorent, celles des femmes et des autres catégories de population minorisées s’améliorent aussi, et inversement : si le patron empiète sur les conditions de travail par un côté, peu importe lequel, les conditions de travail de l’ensemble des classes travailleuses s’en trouveront tirées vers le bas aussi, d’où l’importance de la solidarité de classe et d’une lutte commune face à l’exploitation sous toutes ses formes.

II. La culture du viol : une arme de contrôle patriarcal, son rôle dans un monde capitaliste

1. La violence sexuelle comme outil de domination et de répression au sein du capitalisme.

Le patriarcat se maintient en affirmant la domination masculine, notamment par une division genrée du travail. Cette division génère des rôles sociaux qui, à leur tour, produisent des lois, des comportements, des normes et des croyances. Ces éléments sont continuellement nourris et renforcés par le capitalisme, qui y trouve un intérêt pour se protéger. En effet, le capitalisme prospère en exploitant diverses formes d’oppression, dont le sexisme. Dans ce contexte, le sexisme permet d’obtenir une main-d’œuvre moins chère, de préserver ses piliers fondamentaux comme la famille, de contrôler le corps des femmes et de maintenir la classe ouvrière divisée.

Les idées réactionnaires que la bourgeoisie sème contribuent à cette division. En désignant les femmes comme responsables de la stagnation des salaires ou en les accusant de « voler le travail des hommes », elles détournent l’attention des véritables responsables, à savoir les

patrons qui réduisent les coûts pour maximiser leurs profits. Ainsi, le capitalisme utilise ces idées pour museler les femmes qui souhaitent améliorer leurs conditions, qu’elles soient bourgeoises ou travailleuses. L’une des méthodes pour maintenir cette domination est la violence quotidienne que subissent les femmes : les violences sexistes et sexuelles (VSS).

Ces violences ne sont pas des actes isolés. Elles sont structurelles, systématiques, et servent de véritables outils de contrôle social et économique. Un exemple est le viol subi par Gisèle Pélicot, qui illustre bien la dimension généralisée de ces violences dans toutes les classes sociales. Loin d’être des faits marginaux, les VSS servent à maintenir les hiérarchies de pouvoir au sein de la société, à fragiliser la classe ouvrière et à solidifier des normes patriarcales qui profitent aux structures capitalistes et aux patrons.

Dans le cadre du capitalisme, la violence sexuelle joue un rôle crucial dans la soumission des travailleuses et des travailleurs. Pour les femmes, elle sert à les maintenir dans des rôles subalternes, en renforçant une hiérarchie patriarcale. Les violences ont lieu dans toutes les classes sociales, et la plupart des agresseurs proviennent du milieu proche des victimes. Cette proximité permet d’opérer la division du travail genré et d’imposer une domination masculine qui vise à soumettre les femmes, les privant de leur autonomie sur leurs corps et leur travail. Les femmes sont ainsi cantonnées à des tâches précaires et invisibles, comme les soins et la reproduction de la force de travaille. Puisque ces violences sont systématiques, elles ne sont pas des exceptions, mais bien la norme dans notre société.

Ces violences se manifestent partout où le capitalisme et le patriarcat exercent leur influence : dans la famille, par exemple, où une enquête de l’INSEE de 2020 a révélé que 26% des femmes avaient subi des violences physiques ou sexuelles au sein de leur couple. Mais elles existent aussi dans le monde du travail. Une étude de 2019 de l’Organisation internationale du travail (OIT) a révélé qu’une femme sur trois avait subi des violences sexuelles au travail au cours de sa vie. Dans certains secteurs particulièrement précaires, comme la restauration et la vente, ce chiffre atteint jusqu’à 70 %. Bien sûr, ces statistiques sont probablement sous-estimées.

Les harcèlements et agressions sexuels au travail créent un climat de peur et d’insécurité qui empêche les victimes de se révolter ou de demander de meilleures conditions de travail. En réduisant les femmes à des objets sexuels et en les rendant vulnérables à l’humiliation publique ou privée, les violences sexuelles maintiennent une hiérarchie où les hommes occupent des positions de domination et où les patrons restent à la tête des entreprises. Ces violences ne sont donc pas de simples déviations individuelles : elles sont fonctionnelles à la structure capitaliste. Elles permettent aux patrons de maintenir un contrôle absolu sur la main-d’œuvre, de réduire les coûts de main-d’œuvre et de rendre plus difficile toute forme de solidarité ou d’organisation collective.

Le harcèlement sexuel, par exemple, est un outil de répression très efficace pour dissuader les femmes de revendiquer leurs droits ou d’exiger de meilleures conditions de travail. Cela profite directement aux employeurs, qui peuvent ainsi garder une main-d’œuvre docile et bon marché. Les femmes occupant des postes précaires sont souvent les plus exposées à ces violences et, par crainte de représailles, sont moins enclines à se rebeller, à s’organiser syndicalement ou à revendiquer des conditions de travail plus justes. Un exemple récent est celui d’une employée de Coallia, qui a été victime de harcèlement et d’agressions sexistes et physiques par son supérieur pendant un an. Malgré ses dénonciations, la direction ne l’a sanctionné que par une mise à pied de quatre jours, tandis que la victime a dû quitter son emploi. Cet exemple illustre comment les VSS servent à museler les travailleuses et à maintenir l’ordre établi.

Les violences sexuelles et sexistes jouent également un rôle crucial dans la division de classe. Les femmes, souvent victimes de harcèlement, se retrouvent isolées et marginalisées, ce qui affaiblit la solidarité de classe. Les victimes de VSS au travail sont souvent découragées de participer aux mouvements de revendication, par peur de représailles ou d’exclusion. Elles hésitent aussi à intégrer des revendications féministes aux luttes collectives, ce qui affaiblit d’autant plus la cohésion des travailleurs face à l’exploitation capitaliste. Les VSS sont donc un moyen efficace pour diviser et affaiblir la classe des travailleurs, permettant ainsi aux patrons de conserver leur pouvoir sans être contestés.

Evidemment je me suis concentrée sur ces questions, mais évidemment il n’y a pas que ça, on peut aussi citer la question de la charge de l’enfant/Assignation à procréer pour renouveler la force de travail qui est pris en charge par les femmes en règle général, or on sait que si on a des enfants et qu’on s’en charge majoritairement, on n’a beaucoup moins le temps de s’organiser dans sa boite. Lors de la naissance d’un enfant, il est majoritairement pris en charge par les femmes ce qui souvent va couper leur carrière, évidemment dans ces périodes on est moins bien payé etc. On leur refuse les promotions, les congés menstruels c’est d’autres manières aussi d’exercer la domination masculine.

2. Les violences sexistes et sexuelles, la domination masculine, pouvons-nous en finir sous le capitalisme?

La bourgeoisie s’évertue à nous faire croire qu’il serait possible de mettre fin à ces violences dans un monde capitaliste, notamment grâce aux législations. Cette vision nie le caractère systémique des violences que subissent les femmes, ainsi que la domination masculine et la culture du viol. Elle minimise également la possibilité d’en finir avec le système patriarcal. L’idée que la législation suffirait à éradiquer les violences faites aux femmes ne révèle pas seulement une incompréhension des racines de l’oppression, elle empêche aussi de saisir pourquoi cela ne sera jamais suffisant. Ces lois existent uniquement pour limiter les dégâts (lorsqu’elles sont appliquées) causés par le patriarcat et le capitalisme, sans jamais remettre en question le système qui les rend possibles. En plaçant le cadre juridique au centre des revendications, on privilégie une approche qui préserve l’ordre établi tout en contribuant à l’oppression systématique des travailleuses.

Car, en réalité, tout le monde n’a pas accès à ces démarches juridiques. Elles nécessitent des ressources que les travailleuses, souvent précaires et mal rémunérées, n’ont pas. Sans moyens pour payer un avocat, elles peuvent être contraintes de rester avec leur agresseur si celui-ci est leur mari, leur père ou même un collègue. Elles n’ont pas les ressources économiques pour s’échapper. Se limiter au cadre légaliste, c’est oublier les bases matérielles des oppressions.

En vérité, le but n’est pas d’éradiquer ces oppressions. Ce n’est pas la justice bourgeoise qui permettra de se débarrasser des oppressions qu’elle protège. Celui qui sert à maintenir une structure ne la mettra pas en danger. Ainsi, même les lois existantes ne sont pas toujours appliquées. En 2020, 94 % des plaintes pour viol ont été classées sans suite, révélant l’échec du système judiciaire à protéger les victimes. Même lorsque des condamnations sont prononcées, elles n’empêchent pas la récidive. Une étude belge de 2016 a montré que plus les décisions judiciaires sont sévères, plus le taux de récidive augmente. La justice pénale, même renforcée, ne résout pas le problème des violences ; elle ne fait que renforcer les illusions d’un système fondamentalement patriarcal.

Les violences faites aux femmes sont dissociées des rapports de domination économique et sociale qui structurent notre société. Dans ce cadre, la bourgeoisie sape réellement toute tentative de changement. Les moyens alloués à la lutte contre les violences sexistes et sexuelles, bien qu’augmentés de 10 % récemment, restent largement insuffisants face à des besoins croissants. En 2020, le Haut Conseil à l’Égalité estimait qu’il fallait environ 20 000 places d’hébergement spécialisés, alors qu’en 2022, seulement 10 144 étaient disponibles. On privilégie des mesures superficielles, sans s’attaquer aux racines de l’oppression, en distribuant des miettes pour acheter la paix sociale des travailleuses.

Même si tout progrès est à prendre, nous ne devons pas nous laisser bercer d’illusions par les institutions bourgeoises, sous peine de désarmer nos luttes. La justice et l’éducation ne pourront pas mettre fin à un système continuellement nourri et protégé par le capitalisme ; elles n’arrêteront pas la violence. Les chiffres montrent que, malgré une augmentation de la répression judiciaire, le nombre de condamnations ne suffit pas à contenir la violence. Une étude belge sur les violences conjugales a montré que 53 % des condamnés récidivent, illustrant que la réponse pénale ne s’attaque pas au problème fondamental des rapports de pouvoir entre les sexes.

L’approche réformiste et légaliste échoue à s’attaquer aux racines du patriarcat et du capitalisme. La véritable émancipation des femmes exige une lutte collective de toute notre classe, fondée sur la solidarité de classe et une remise en cause radicale des structures d’oppression. Toutefois, il est nécessaire de combattre toutes les idées réactionnaires. Dire que le patriarcat ne disparaîtra pas avec quelques lois ne signifie pas que l’on rejette les avancées. Nous défendons toutes les mesures qui protègent nos droits, et nous lutterons toujours pour en acquérir davantage. Toutes ces lois, ces progrès et la prise de conscience d’une partie de notre classe sont le fruit de mobilisations. La seule différence est que, pour nous, cela ne suffit pas. Nous devons dépasser les revendications strictement légalistes pour apporter celles des communistes révolutionnaires.

3. La nécessité de prendre le chemin des luttes pour en finir avec les violences faites aux femmes et les attaques réactionnaires

Ces dernières années, les droits des femmes, les violences faites aux femmes, ainsi que les idées réactionnaires en pleine expansion, ont fait l’objet d’attaques croissantes à travers le monde. Partout, les droits des femmes sont de plus en plus menacés, et nulle part leur sort n’est enviable. En réponse à ces idées rétrogrades, nous avons vu émerger des mouvements tels que #MeToo, Ni Una Menos, ainsi que les révoltes en Pologne et en Inde, s’inscrivant dans une lutte plus large contre les oppressions capitalistes et patriarcales. Ces mouvements démontrent que c’est par les luttes que nous pourrons faire reculer les idées et lois réactionnaires, de plus en plus répandues. Les victoires passées rappellent que ce sont les mobilisations massives des femmes de notre classe qui ont permis ces avancées. La contestation de la domination masculine et du patriarcat n’a été rendue possible que par la lutte. Car ce sont bien ces luttes qui permettent de remettre en cause l’ordre établi, de questionner qui détient le pouvoir et qui décide sur les questions qui concernent à la fois les travailleuses et les travailleurs.

Ni Una Menos, apparu en Argentine en 2015, dans un pays où 308 femmes (chiffre probablement sous-estimé) ont été tuées en 2023, incarne une mobilisation contre les féminicides et les violences sexistes. Ce mouvement réclame le droit des femmes à l’intégrité physique et à la justice. Il a contribué à l’adoption de lois sur l’avortement en 2020. Bien que des restrictions persistent et que ces lois soient aujourd’hui menacées par l’extrême droite au pouvoir, cette mobilisation montre l’importance du 8 mars en Argentine. En Inde, suite aux manifestations massives, le gouvernement a durci les lois contre le viol, augmentant les peines et créant des tribunaux spéciaux pour accélérer le traitement de ces affaires. En Pologne, le droit à disposer de son corps est au cœur des luttes contre les lois restrictives sur l’avortement, particulièrement depuis 2020, où ces lois ont été encore durcies. Malgré tout, ces mobilisations ont permis en 2023 d’obtenir l’accès à la pilule du lendemain sans ordonnance.

Plus récemment, en Inde, des manifestations d’une grande ampleur ont éclaté suite au viol et au meurtre d’une médecin. Cet événement tragique a rapidement déclenché une vague de colère dans tout le pays. Les soignants se sont mis en grève, exigeant une sécurité renforcée sur leur lieu de travail et de meilleures conditions de travail. Ils ont été rejoints par des étudiants et des travailleurs d’autres secteurs, unis pour exprimer leur indignation face à ce crime odieux. Le corps médical a instauré un service d’urgence minimal pour permettre aux grévistes et aux manifestants de se rassembler. Des marches gigantesques ont alors vu le jour, rassemblant des dizaines de milliers de femmes dans les principales villes du pays.

Après 11 jours de mobilisation intense, le parti d’extrême droite BJP, au pouvoir, a dû réagir. Ses mesures, principalement axées sur une réponse sécuritaire – généralisation de la vidéo-surveillance et renforcement des effectifs de sécurité – pour tenter d’éluder la nature systémique des violences faites aux femmes dans une société marquée par la violence patriarcale. Parce qu’en réalité ils sont les défenseurs les plus véhéments du patriarcat, de toutes les oppressions et des idées réactionnaires, et comme nous avions pu le voir avec Phillipine, ils ne font que instrumentaliser ces féminicides, ces violences en expliquant que ce serait seulement les étrangers et les anormaux qui commettraient ces violences, ces thématiques réactionnaires utilisées pour diviser les travailleurs afin d’éviter la prise de conscience du pouvoir travailleurs, et arrêter toute mobilisation qui remet en question le système. Ils n’ont cependant pas semble t-il réussi à atteindre le mouvement de révolte en Inde ne montre aucun signe de ralentissement et continue de s’étendre à d’autres secteurs.

Ces événements soulignent à quel point les révoltes sont contagieuses lorsque les masses s’emparent de la cause des femmes et de la lutte pour leurs droits.

III. Comment la révolution prolétarienne seule capable la culture du viol et le patriarcat. (Perspective)

1.  La lutte doit être menée par l’ensemble de notre classe.

La lutte doit être menée par l’ensemble de notre classe. Les luttes des travailleuses en particulier, ont la capacité d’entraîner toute notre classe dans leur sillage. Ce phénomène résonne encore aujourd’hui dans les mobilisations contre le harcèlement sur le lieu de travail, rappelant que les luttes féministes s’inscrivent dans la résistance contre toutes les formes d’oppression. Le féminisme n’est pas une lutte isolée ; il est intrinsèquement lié à celle de la classe ouvrière, car la majorité des femmes appartiennent à cette classe. Le féminisme fait partie des moteurs potentiels de changements plus larges, y compris révolutionnaires. Les luttes féministes peuvent enclencher des transformations sociales profondes car elles remettent en question les fondements mêmes du capitalisme et du patriarcat, en s’attaquant à leurs bases matérielles : l’exploitation capitaliste, la division genrée du travail, la famille, les normes de genre et la sexualité.

Un exemple de cette dynamique, outre la révolution russe, se trouve dans les émeutes de Limoges en avril 1905. Ces événements illustrent bien le rôle moteur que peuvent jouer les travailleuses, qui représentaient au moins 40 % des ouvriers de l’usine de porcelaine Charles Haviland. Elles se sont révoltées contre un contremaître, Penaud, décrit par le journal Le Libertaire comme un être « abject, autoritaire, prévaricateur ». Les faits, qualifiés de « constants, prouvés et connus de tous », concernaient ce qu’on appelait alors le « droit de cuissage » – des violences sexuelles qu’il imposait à ses ouvrières. Ces abus ont poussé les travailleuses et travailleurs à se mettre en grève, un mouvement qui s’est étendu à toute la ville, déclenchant émeutes et affrontements avec l’armée. La grève s’est achevée le 25 avril, avec le renvoi du contremaître. Cette mobilisation résonne encore aujourd’hui dans les luttes contre le harcèlement et les violences sur le lieu de travail. Ce que l’on appelait « droit de cuissage » symbolise l’asservissement des femmes, à la fois victimes du capitalisme et du patriarcat.

De même, la révolution russe de 1917 a été initiée par une grève de femmes ouvrières le 8 mars. Cela montre que les femmes sont souvent à l’avant-garde des révoltes sociales, et leur lutte contre l’oppression a marqué le début de changements historiques majeurs. Les mobilisations d’aujourd’hui s’inscrivent dans cet héritage direct, en continuant de dénoncer un système qui exploite et opprime les femmes. Emprunter le chemin des luttes est essentiel pour transformer en profondeur les structures de pouvoir et garantir une véritable égalité. Il est crucial de se battre pour les conditions matérielles nécessaires à la protection des droits. L’histoire prouve que l’implication des travailleuses est indispensable pour arracher des droits pour toutes.

Ainsi, la lutte contre l’oppression et l’exploitation ne peut être efficace sans la mobilisation de toute la classe ouvrière. Les hommes de la classe ouvrière ont un rôle clé à jouer en s’assurant que la lutte féministe soit reconnue comme centrale. Ils doivent aussi s’emparer de ces questions. Les travailleurs qui ignorent les droits des femmes ne peuvent espérer renverser le capitalisme, car ils laisseraient intacte l’une des formes d’oppression les plus structurelles. De plus, l’amélioration des conditions des femmes profiterait à l’ensemble de la

classe ouvrière, hommes compris. En luttant pour des droits tels que la garde d’enfants, l’accès à l’éducation et l’égalité salariale, ce sont des conditions de vie améliorées pour toute la classe qui sont obtenues. Quand les femmes peuvent participer pleinement à la vie économique et politique, cela renforce la capacité de toute la classe à organiser la lutte et la révolution.

2. Seule la révolution pourra en finir avec le capitalisme et le patriarcat, le monde socialiste.

Seule la révolution pourra en finir avec le capitalisme et le patriarcat, ouvrant la voie à un monde socialiste.

Il ne sera jamais possible que les violences faites aux femmes disparaissent réellement sous le capitalisme. En effet, le seul moyen d’en finir avec le patriarcat, c’est d’abolir ses bases matérielles, lesquelles sont nécessaires à la continuité des bénéfices capitalistes. Le capitalisme a besoin de museler les femmes, de les contraindre à être mères, de contrôler leur corps, de les exploiter et de tirer profit de leur travail non rémunéré. Ce système ne peut que perpétuer l’oppression des femmes. L’organisation économique du capitalisme exige une main-d’œuvre féminine bon marché et souvent non rémunérée, en particulier à travers le travail domestique, qui constitue un pilier essentiel du système. Les moyens de répression sont multiples, notamment les violences sexuelles et sexistes (VSS). Nous devons lutter contre cela.

En tant que militants communistes et révolutionnaires, nous devons aborder ces questions dans nos entreprises et nos lieux d’études. Souvent, on nous sert l’argument réactionnaire selon lequel ce sont les travailleurs qui sont arriérés sur ces questions. Certes, les idées réactionnaires se propagent au sein de la classe ouvrière, mais il est crucial de lutter contre ces idées qui sont injectées par la bourgeoisie à travers sa politique et ses médias. Comme l’expliquait Marx dans L’idéologie allemande, « À toute époque, les idées de la classe dominante sont les idées dominantes ; (…) la classe qui dispose des moyens de production matérielle dispose en même temps, de ce fait, des moyens de production intellectuelle. » Ces idées réactionnaires, malgré ce que la bourgeoisie essaie de nous faire croire, ne proviennent pas de la classe ouvrière. Ce ne sont pas les travailleurs qui se battent pour le recul des lois sur l’avortement, qui mettent en œuvre des réformes des retraites ou qui pratiquent des coupures budgétaires, rendant impossible l’accueil des femmes subissant des violences domestiques. Ce sont bien les bourgeois qui le font, car ils reconnaissent la nécessité d’opprimer et de contrôler les femmes.

Il est également important de rappeler que la classe ouvrière n’a pas toujours été infiltrée par ces idées réactionnaires. L’un des exemples les plus marquants reste la révolution russe, qui a permis d’abolir temporairement certaines des bases matérielles du patriarcat. Entre 1917 et 1930, les femmes russes ont obtenu des avancées significatives : le droit au divorce, à l’avortement, le suffrage universel. Le code civil a été réformé, abolissant l’autorité du chef de famille et permettant aux couples mariés de choisir le nom de l’époux ou de l’épouse. De nouveaux droits sociaux ont été instaurés, tels que le congé maternité, une pause de trente minutes pour allaiter, des congés menstruels, et l’égalité salariale et professionnelle. Les codes civil et pénal ont été totalement réécrits, l’adultère et l’homosexualité n’étant plus considérés comme des délits. Les bolcheviks ont fait

reconnaître le travail ménager dans la nouvelle Constitution soviétique, en menant une politique de socialisation du travail domestique. Alexandra Kollontaï et Inès Armand ont promu la libération des relations amoureuses, refusant toute forme de possession du corps des femmes. Alexandra Kollontaï est devenue commissaire du peuple à la Protection sociale dans le premier gouvernement bolchevique, devenant ainsi la première femme ministre au monde.

La révolution de 1917 illustre bien que c’est en renversant le capitalisme que l’on peut faire évoluer toutes les frontières. Les structures qui semblaient jusqu’alors impossibles à abattre peuvent finalement disparaître ou se transformer. Pour cela, il est impératif de renverser le capitalisme afin d’en finir avec les racines des oppressions qu’il s’emploie tant à protéger.

3 – La transformation des relations sociales et de genre à travers le processus révolutionnaire. La révolution doit remodeler la famille et les relations entre les sexes

Si la distinction sexuelle entre les individus a, a priori, toujours existé, d’un point de vue biologique au minimum et parfois même d’un point de vue social, ça ne veut pas nécessairement dire que cette distinction doit déboucher dans le processus d’évolution de la société sur une attribution de rôles genrés (donc à la création du genre lui-même), et que donc une hiérarchisation des individus, ou du moins une subordination d’un sexe à l’autre basée sur l’attribution du genre, n’est ni nécessaire ni naturelle. Le patriarcat et la domination masculine pré-datent effectivement le capitalisme, on ne peut d’ailleurs pas trouver une date d’apparition pour l’oppression des femmes, mais on sait, de fait, que celle-ci a un début, et que donc elle aura bien une fin. C’est en se basant sur le concept du genre que cette division s’est créée entre hommes et femmes, une division que le capitalisme n’a pas manqué de récupérer pour en tirer profit (littéralement), et en s’appuyant sur la structure familiale monogame avec à sa tête le patriarche que celui-ci a pu maximiser les profits : les conséquences qui découlent de la domination masculine et donc du système patriarcal servent à maintenir le système d’exploitation, en maintenant l’ordre social établi. En renversant cet ordre social, on changerait irrémédiablement les rapports de production, d’une part, et la reproduction sociale, d’autre part. Donc, en changeant les rapports entre les individus, c’est-à-dire en révolutionnant les rapports entre les sexes, la société dans son ensemble prendrait une toute autre forme. Pour ce faire, il faut dépasser, et de manière consciente, les différences biologiques et les stéréotypes et schémas sociaux qui ont été basés dessus. Il faut libérer les femmes du rôle de matrice et de mère pour qu’elles puissent prendre part pleinement à la vie politique et sociale, ce qui implique aussi de mettre fin à la subordination des femmes aux hommes. Ça veut dire, entre autres, plus de mariage religieux, et le divorce d’un commun accord entre les deux parties. Ça veut aussi dire que la charge des tâches ménagères et des enfants ne doit plus revenir uniquement à la femme, et pour ça il faut changer l’organisation de la société, la boucle est bouclée.

C’est d’ailleurs un processus qui avait été amorcé avec la révolution en Russie : en permettant aux femmes de participer à la vie politique, ça a provoqué en quelque sorte un trouble dans la binarité des rôles de genres jusque là bien définis, et donc au sein de la famille elle-même, puisque la femme, au même titre que son mari, étant gagnée aux idées socialistes, ne veut plus simplement remplir le rôle qui lui a été attribué par la société en

restant à la maison et en s’occupant des enfants pendant le plus clair de son temps, mais au contraire prend le temps de s’impliquer dans des comités et de construire la politique de la nouvelle société (socialiste). En conséquence, le noyau familial se trouve secoué, il ne fonctionne plus, et même le mariage (en tant que contrat) ne peut y remédier. Trotsky disait que l’apparition d’une nouvelle forme de famille est, bien entendu, indissociable du processus de révolution sociale. L’une est à la fois la cause et la conséquence de l’autre. Il ajoute que c’est en collectivisant la prise en charge de toutes ces tâches domestiques, c’est-à-dire en organisant par exemple à l’échelle d’un immeuble (mais on implémenterait bien sûr tout ça dans toute la société) que la gestion des enfants, des repas, du ménage, soient répartis entre toutes les familles et entre tous les individus sans plus faire de distinction de genre, qu’on finira par parvenir à l’égalité réelle entre les sexes et à abolir le genre.

Conclusion

Le patriarcat ne disparaîtra jamais sous le capitalisme. Même s’il n’en est pas à l’origine, le capitalisme en a besoin pour se maintenir. Avec le changement de modèle économique et des rapports de production, les institutions se sont remodelées, et le patriarcat s’est adapté, devenant un pilier du capitalisme. La famille nucléaire, qui perpétue la division genrée du travail, est également le cadre où se produisent une grande partie des violences sexistes et sexuelles. Elle est un lieu de répression des femmes, les conditionnant à subir ce qu’elles vivront probablement plus tard, que ce soit dans leur propre famille ou au travail. Si ces violences ne sont ni punies par la justice ni dans les entreprises, c’est parce que ce système en tire des avantages : cela dissuade les femmes de se battre pour de meilleures conditions de travail et de meilleurs salaires. Nous savons que les femmes sont moins bien payées et traitées, et qu’elles remettent en question l’ordre établi en dénonçant cette domination masculine. La répression vise à contrôler le corps des femmes, car les classes dirigeantes savent que les femmes de notre classe sont capables de renverser le capitalisme, entraînant avec elles l’ensemble de la classe ouvrière. Elles remettent en cause l’exploitation et plusieurs des piliers du système. C’est pourquoi la bourgeoisie s’efforce de diviser travailleurs et travailleuses avec des idées réactionnaires, comme l’idée que la place de la femme est à la maison, qu’elle fait baisser les salaires ou vole le travail des hommes. En réalité, ils craignent la menace que représentent les femmes. L’expérience de 1905 à Limoges et la Révolution russe ont montré la force des travailleuses. Et la classe ouvrière dans son ensemble doit s’emparer de ces questions, elle doit être à l’avant garde, car c’est la seule qui peut renverser le système qui conservera toujours ces oppressions. Notre réponse vise à convaincre qu’il n’existe qu’une seule voie pour mettre un terme définitif à toutes ces oppressions : celle qui s’attaque à la racine du problème, le capitalisme. C’est pourquoi nous défendons la lutte communiste, qui cherche à bâtir, sur les décombres d’un système qui nous divise et nous enferme dans des schémas d’exploitation, une société nouvelle, juste, où chacun est libre de décider de son propre avenir. Nous savons que notre émancipation collective repose uniquement sur nos propres forces, notre mobilisation, nos luttes et notre organisation. C’est pourquoi il est essentiel de soutenir et d’amplifier les mouvements contestataires, qui sont des moments particulièrement marquants pour la politisation, notamment chez les jeunes. Il nous faut leur offrir des structures d’organisation solides pour en maximiser l’impact, ainsi que des perspectives claires pour, au final, les conduire à la victoire.