Service national : de la chair à patrons à la chair à canons, et vice-versa

Article du N°47 de Révolutionnaires (11 décembre 2025)

Depuis l’abolition de l’ancien service militaire, chaque gouvernement tente d’acheter la loyauté des enfants des classes populaires à l’État et aux exploiteurs qu’il protège. Journée citoyenneté et défense, service militaire volontaire de François Hollande, service national universel en 2018, et maintenant le service national tout court. Une accumulation de dispositifs pour encadrer les futurs travailleurs… mais qui, avec le flop du SNU, montre que l’embrigadement nationaliste peine à prendre, et tant mieux !

La douille du volontariat

L’uniforme ne fait pas disparaître les classes. Si les rejetons de la haute bourgeoisie vont dans l’armée, c’est côté haut gradés. Quant aux troupes « volontaires », ce sont des jeunes pauvres à qui on promet passage de permis, emploi stable, prise en charge médicale… ou simplement des papiers français. Même carotte pour le nouveau « service » : dix mois sous l’uniforme contre 800 euros, nourri blanchi et un coup de main sur Parcoursup. La façade « promotion sociale » peine à cacher la responsabilité de l’État qui ferme la porte des études aux enfants d’ouvriers pour leur ouvrir le plus tôt possible celle de l’exploitation.

Derrière un faux sauvetage par l’armée, l’union sacrée

À ceux qui espèrent une échappatoire, l’État ment. Dès la fin des services, rendez-vous en première ligne… dans le BTP, la maintenance ou le nettoyage. Mais le passage par l’encadrement militaire vise à former des travailleurs respectueux du flic et de l’officier, et surtout fidèles aux intérêts patronaux. La classe possédante a besoin de cette union sacrée dès aujourd’hui pour faire avaler le budget 2026, mais aussi pour ses prochaines guerres car elle sait depuis 1917 que celles-ci peuvent être stoppées par des révolutions.

Quelle armée pour l’impérialisme français et que faire contre ?

La bourgeoisie française n’a pour l’instant pas besoin d’une conscription générale. Une armée de métier « hybride » lui suffit pour défendre sa place et sa part de pillage face à ses concurrents et contre les peuples, à condition de la muscler. Le nouveau service assure ainsi un vivier de jeunes où recruter, 3 000 l’année prochaine, 50 000 dans dix ans. Premier enjeu : recruter pour compenser la baisse des effectifs due à celle de la natalité, autant dans l’armée que dans la gendarmerie en 2027. Deuxième enjeu : faire passer la réserve de 45 000 à 80 000 têtes d’ici 2030 pour être dans « l’air du temps ». Car ce sas de recrutement à double niveau pourrait servir de tremplin pour se doter de structures capables d’encadrer bien plus de jeunes. L’Allemagne se prépare à le faire. Objectif, un demi-million de soldats dans dix ans. La réaction des lycéens allemands montre la voie pour les deux côtés du Rhin : ils étaient 55 000 dans la rue vendredi pour protester. On fera pareil ici.

Alexis Micshen • 09/12/2025