Topo sur la Palestine (2008)
Introduction : La Palestine de la fin de l’empire Ottoman à la création de l’Etat d’Israël
Entre 1831 et 1840, l’occupation égyptienne constitue le territoire palestinien en entité territoriale autonome. Deux remarques sur cette entité territoriale nouvellement constituée :
- forte majorité sunnite homogène
- sentiment très important d’être le peuple de la Terre sainte, le peuple des trois monothéismes
L’essor économique va soulever une question jusque là secondaire : celle de la propriété juridique des terres. Entre 1858 et 1867, les lois édictées par les notables locaux vont donner naissance au système palestinien particulier de gestion collective des terres, le mushâ’. Les classes dirigeantes palestiniennes s’emploient activement à la constitution d’un appareil d’Etat pour compléter le tout. Parallèlement naît le projet sioniste de Theodor Herzl qui vise à la création d’un foyer national juif en Palestine.
En mai 1911, le réformiste Sulaymân al-Tâjî al-Farouqî avait pressenti les risques liés au sionisme : « Le sionisme est le danger qui guette notre patrie […]. Il annonce notre exil et notre expulsion de nos demeures et de nos propriétés ».
En 1917, les troupes britanniques entrent en Palestine. Lord Balfour, Ministre des affaires étrangères britanniques, joue un double jeu. Tout en promettant l’indépendance aux arabes, il fait la « déclaration Balfour ». Le 11 décembre 1917, les troupes anglaises entrent à Jérusalem. En 1918, le pays est entièrement occupé et placé sous administration militaire britannique. Balfour énonce la manière dont il va falloir procéder :
« La Palestine est un cas unique. Nous traitons non point avec les souhaits de la communauté existante, nous recherchons consciemment à reconstituer en Palestine une nouvelle communauté et à y édifier définitivement une autre majorité numérique dans l’avenir ».
Arthur Koestler formule le problème autrement :
« Une nation (l’Angleterre) a solennellement promis à une seconde (Israël) le territoire d’une troisième (Palestine) »
Se pose la question du contexte et des conditions de la création de l’Etat d’Israël : Shoah, sionisme et naissance de l’Etat juif conduisent à se pencher sur l’histoire de la Palestine et du mouvement national palestinien.
I) La Shoah, le sionisme et la naissance de l’Etat d’Israël
Le sionisme est un mouvement typiquement petit bourgeois, né dans la petite bourgeoisie juive d’Europe centrale en réaction à l’antisémitisme au début du 20ème siècle. Le sionisme se donne pour objectif la création d’un foyer national juif en Palestine. Au cours de la première Guerre mondiale, l’impérialisme britannique voulant faire du sionisme un instrument pour s’installer en Palestine, semble lui donner la possibilité de devenir une réalité par la déclaration Balfour qui préconise la création d’un foyer national juif en Palestine. Le sionisme est un mouvement à la fois utopique et réactionnaire :
- utopique car il juge possible la création d’un Etat juif au milieu de l’hostilité de 50 millions d’arabes ;
- réactionnaire car c’est un projet profondément impérialiste lui-même et soutient ouvertement la domination impérialiste britannique puis US.
Le but du sionisme est la création d’un Etat non seulement dans les frontières fixées par les Nations Unies dans la résolution de partage de novembre 1947, mais dans toute la Palestine.
L’antisémitisme, contrairement à beaucoup d’idées reçues (renforcées avec l’épisode du 11 septembre 2001), est une invention à 100% européenne. Jamais les juifs n’ont connu ailleurs qu’en Occident une telle accumulation de violences dont le point culminant a été la Shoah. Le terme même d’antisémitisme n’est pas approprié puisqu’il prétend désigner l’hostilité à l’égard des juifs en les assimilant aux Sémites alors même que les arabes font également partie de ce groupe ethnique.
L’Occident, complice de la Shoah, trouve dans la satisfaction des revendications sionistes et la création d’un Etat juif, un bon moyen de se dédouaner de sa responsabilité dans le génocide des juifs. C’est dans ce contexte (Shoah et extermination de 6 000 000 de juifs ; immigration juive vers la Palestine en partie refoulée par l’Empire britannique ; montée des luttes et des mouvements nationalistes dans le monde arabe) qu’intervient le plan de partage de l’ONU et la création de l’Etat d’Israël.
La colonisation juive avait cependant commencé bien avant par une politique de rachat des terres sous mandat britannique. 1914 : 750 000 habitants dont 50 000 colons juifs. 1948 : 2 000 000 habitants dont 1 400 000 palestiniens et 600 000 juifs, dont 463 000 nés hors de Palestine.
Sous mandat britannique, se déroule une lutte continue de la part des palestiniens face à l’impérialisme britannique. Le point culminant de cette lutte se traduit par la « Grande Grève » et le boycott de l’Etat entre le 21 avril et le 11 octobre 1936. Il y a des accrochages sanglants avec la population juive. Appel national des palestiniens à la grève. Constitution de comités de grèves avec la tenue d’un Congrès national des comités. Il y a des incidents armés à partir de mai, terrible répression anglaise soutenue par les armées juives.
Le plan de partage de l’ONU de 1947 alloue 43% du territoire à un Etat arabe, 56,5% du territoire est destiné à un Etat juif. Jérusalem est censé être une enclave internationale. Les premiers affrontements débutent fin 1947 et tournent au départ plutôt à l’avantage des palestiniens, ils interrompent les voies de communication, encerclent les colonies juives et isolent les grandes villes dont Jérusalem.
Le 4 avril 1948, la Haganah (armée juive) lance le plan Dalet. Commence alors la première guerre de Palestine. Elle oppose 4 500 combattants palestiniens et arabes aux 121 000 hommes de la Haganah. Défaite écrasante des palestiniens et prise par les armées juives de la majorité du territoire réservé aux palestiniens par le plan de partage de l’ONU. Expulsion massive des palestiniens. 9 et 10 avril 1948, Massacre de 250 habitants du village palestinien de Deir Yassine par les troupes de l’Irgoun de Monahem Begin et du Lehi de M. Itzhak Shamir.
14 mai 1948, proclamation de l’Etat d’Israël. Les palestiniens et l’ensemble du monde arabe refusent le plan de partage et la création de l’Etat d’Israël. Le lendemain, 15 mai 1948, l’entrée des armées arabes en Palestine marque le déclenchement de la première guerre israélo arabe. Au cours des combats de 1948, la volonté d’expulsion ne fait aucun doute avec un symbole, l’opération de Lydda et Ramleh le 12 juillet 1948 : « Expulsez les ! » a dit David Ben Gourion, Premier Ministre et Ministre de la Défense aux colonels Yigal Allon et Itzhak Rabin. De fait, la violente répression (250 morts), est suivie de l’évacuation forcée, accompagnée d’exécutions sommaires, de quelque 70 000 civils palestiniens – soit près de 10% de l’exode total de 1947-1949 ! Des scénarios similaires seront mis en œuvre durant l’été, l’automne et l’hiver, du nord (la Galilée) au sud (la plaine côtière et le Néguev). Ces palestiniens qu’on expulse, on fait en même temps main basse sur leurs biens. L’été 1948 voit se généraliser la politique de destruction des villages arabes, puis, de plus en plus, leur simple restructuration de façon à accueillir rapidement les nouveaux immigrants juifs. La loi sur les « propriétés abandonnées » « légalise », en décembre 1948, la confiscation. Israël mettra ainsi la main sur 73 000 pièces d’habitation dans des maisons « d’absents », 7 800 boutiques, ateliers et entrepôts, 5 000 000 de livres palestiniennes sur des comptes en banque et – surtout – 300 000 hectares de terres.
Entre le 23 février et le 20 juillet 1949, les accords d’armistice signés par Israël et ses voisins entérinent les résultats de la guerre : l’Etat palestinien est mort-né, Israël a grandi d’un tiers son territoire et en a expulsé quelques 800 000 à 900 000 palestiniens.
1950 : 1 491 200 palestiniens dont 914 221 réfugiés (240 300 à Gaza, 764 900 en Cisjordanie, 160 700 en Israël, 322 000 dans les différents pays arabes et 3 300 dans le reste du monde). 1 000 000 de juifs.
Sur les positions de la IVème Internationale :
– 1947, Combat contre la partition de la Palestine. Pour une Palestine unie et indépendante, dans laquelle les masses détermineront souverainement leur destin par l’élection d’une Assemblée constituante. Contre la partition du pays et l’établissement d’un Etat juif.
1948, Si l’impérialisme a réussi à détourner de lui le mécontentement des masses arabes dans le Moyen-Orient et à le diriger contre la population juive de Palestine, la conséquence inévitable de cette guerre sera la dépendance totale du sionisme envers l’impérialisme américain. L’Etat bourgeois sioniste est un Etat bourgeois « compradore ». En Palestine, par suite de conditions historiques spécifiques, nées des retards de la révolution, avec sa conséquence : le massacre de 6 000 000 de juifs européens par le fascisme Hitlérien, la question juive a trouvé une autre dimension. L’Etat israélien, utilisé par l’impérialisme contre la révolution prolétarienne, est devenu l’instrument privilégié de l’oppression nationale et impérialiste au Proche-Orient. Pour la destruction de l’Etat d’Israël comme pré condition de l’émancipation des masses palestiniennes, arabes et juives.
II) De la création de l’Etat d’Israël en 1947-1948 aux accords d’Oslo de 1993 : occupation militaire israélienne, résistance et mouvement national palestinien
Dès 1949, de petits groupes isolés lancent des opérations militaires contre Israël à partir de la Syrie, de la Jordanie et de Gaza. Cela provoque invariablement des représailles israéliennes (exemple : février 1956, raid d’envergure contre Gaza).
1959 : création dans la clandestinité du Fath par une poignée d’hommes dont Yasser Arafat. Dans la nuit du 31 décembre 1964, le Fath déclenche la lutte armée.
1964 : à l’instigation de Nasser, la résistance palestinienne est dotée d’une représentation institutionnelle, l’OLP. L’OLP se dote d’un Conseil national palestinien, d’un Comité exécutif et d’une Armée de libération de la Palestine. Cette même année, le Mouvement des nationalistes arabes (MNA), fondé à Beyrouth en 1951, connaît des bouleversements. Une tendance de gauche naît qui défend les thèses maoïstes et guévaristes sur la guerre populaire de libération. Au lendemain de juin 1967, ce groupe donnera naissance au Front Populaire de Libération de la Palestine (FPLP).
1967 : création des territoires occupés. Guerre des Six Jours qui se solde par une défaite arabe. Suite aux attaques répétées de la résistance, les armées israéliennes en viennent à occuper la Cisjordanie et Gaza auxquels il faut ajouter le plateau syrien du Golan et le désert égyptien du Sinaï.
Février 1969 : Arafat prend la tête de l’OLP.
6 octobre 1973 : début de la guerre du Kippour. Offensive des troupes égyptiennes et syriennes pour reconquérir les territoires occupés. Nouvelle défaite arabe.
1978 : les opérations militaires palestiniennes en provenance du Sud Liban provoquent de dures représailles israéliennes. L’Etat hébreu envahit le Sud Liban.
Juillet 1981 : guerre israélo-palestinienne à la frontière libanaise. Israël bombarde Beyrouth. Le 14 décembre 1981, Israël annexe le territoire du Golan.
25 avril 1982 : évacuation du Sinaï par Israël. Le 6 juin 1982, débute l’invasion israélienne du Liban et le siège de Beyrouth. Entre le 14 et le 18 septembre 1982 se déroulent les tristement célèbres massacres de Sabra et Chatila.
En décembre 1987, l’Intifada (guerre des pierres) éclate dans le camp de réfugiés de Jabâlia à Gaza. La première Intifada est une explosion de colère spontanée des palestiniens. Elle s’étend comme une traînée de poudre à toute la Cisjordanie. C’est un soulèvement véritablement populaire. Les couches pauvres sont largement majoritaires dans le soulèvement et il y a une participation importante des femmes. Des formes d’auto organisation se développent. Des comités populaires sont créés dans toutes les villes. Ils organisent la vie quotidienne sous l’occupation militaire devenue très violente au cours de l’Intifada.
La première Intifada constitue un choc et conduit aux accords d’Oslo de 1993. Ces accords constituent une véritable trahison de la part de la direction de l’OLP en exil à l’égard de la résistance palestinienne. L’autorité palestinienne et avec elle la direction de l’OLP ont au fil du conflit perdu légitimité et crédibilité en étant réduits dans un rôle de simple exécutant des basses tâches d’Israël et dans un rôle de spectateur des actes du reste de la résistance (Hamas…) ainsi que des représailles israéliennes.
2000 : déclenchement de la seconde Intifada en réaction à la provocation d’Ariel Sharon venu sur l’esplanade des mosquées. Faible rôle de la gauche palestinienne. L’usage d’armes à feu dans la seconde Intifada permet de légitimer l’usage par Israël de l’ensemble de son appareil répressif. Pas d’auto organisation. Contrôle total de la seconde Intifada par les appareils officiels de l’autorité palestinienne.
Sur les massacres de Sabra et Chatila :
Sabra et Chatila sont deux camps de réfugiés palestiniens situés à Beyrouth. Entre le 14 et le 18 septembre 1982, ces deux camps vont être le théâtre d’un véritable massacre. A l’issue d’un siège de plusieurs mois, l’armée israélienne prend le contrôle de la partie ouest de la capitale libanaise où se trouvent les camps le 15 septembre 1982. Immédiatement, la question de la responsabilité d’Israël dans ce massacre est posée. La prise de Beyrouth Ouest par l’armée israélienne s’opère en une trentaine d’heures et s’achève le jeudi 16 septembre 1982 au petit matin. Dès lors, les deux camps palestiniens de Sabra et Chatila sont totalement encerclés par les forces israéliennes. Dès le début de la matinée, les milices chrétiennes des Forces libanaises achèvent leurs préparatifs pour investir les camps. Depuis 1976, les Phalanges ont collaboré avec les israéliens et ont reçu un entraînement militaire dans les camps de Tsahal en Israël même. Les phalangistes n’ont jamais caché aux israéliens leur intention de massacrer les palestiniens. On peut approximativement dater l’entrée du gros des assaillants dans les camps du jeudi 16 septembre 1982 vers 17 heures. L’incursion phalangiste dans les camps s’est faite avec la bénédiction et sous l’œil bienveillant de l’armée israélienne et en particulier du Général Ariel Sharon. Le massacre commence aussitôt, il durera sans interruption pendant 40 heures. Dès le début, le carnage prend des proportions considérables au dire des réfugiés. Toutes catégories de victimes confondues, on dénombre entre 3 000 et 3 500 hommes, femmes et enfants assassinés en 40 heures entre les 16, 17 et 18 septembre 1982 sur une population de 20 000 personnes dans les deux camps à la veille du massacre. Le massacre de Sabra et Chatila n’est que l’un des carnages quotidiens les plus meurtriers dont ai été victime le peuple palestinien et il s’inscrit pleinement dans ce que fait subir l’armée israélienne aux populations palestiniennes depuis la création de l’Etat hébreu en novembre 1947.
III) Depuis les accords d’Oslo, quelles perspectives face à l’actualité brûlante du conflit ?
Que faut il retenir de l’actualité du conflit ?
- La construction du mur qui n’est que l’élément le plus évident d’une occupation militaire qui mène une véritable politique d’apartheid.
- Poursuite de la colonisation en Cisjordanie.
- Violence phénoménale à l’encontre de la bande de Gaza.
Elections palestiniennes.
- Victoire écrasante du Hamas.
- Grosse progression du FPLP.
Sur la résistance palestinienne et ses moyens d’action : « Sous l’occupation militaire, aucune loi au-dessus de la résistance ».
Solutions au conflit israélo-palestinien ?
- un Etat binational
- deux Etats
En tout état de cause, il ne devra plus y avoir :
- ni occupation ni apartheid
- pas de mur
Il devra y avoir :
- réelle égalité entre les peuples, réel droit à l’autodétermination
- droit au retour des réfugiés palestiniens
Cela passera par la destruction/ « desionisation » de l’Etat d’Israël. En tout cas, destruction de l’ensemble des institutions oppressives de l’Etat sioniste.
Conclusions concrètes pour notre activité :
- Se tenir informé de l’évolution du conflit.
- Tisser des liens avec la résistance palestinienne (FPLP, Hamas…).
- Construire des échéances de solidarité avec la Palestine.
- Porter cette question ainsi que l’ensemble de notre projet internationaliste.