30 ans de politiques antisociales, 6 millions de voix pour le Front National…
Marine Le Pen a recueilli 6 421 426 voix le 22 avril. En 2002, il en avait fallu 4 804 713 à son père pour accéder au second tour de la présidentielle. Avec les voix obtenues par Bruno Mégret (ancien numéro deux du FN devenu dissident), l’extrême droite totalisait 5 471 739 suffrages. En dix ans, elle a donc progressé d’un million de votants. C’est le fruit de conditions politiques, économiques et sociales, initiées aussi bien par des gouvernements « de gauche » que de droite…
À droite, montée de la démagogie xénophobe
Au-delà de son rôle assumé dans le reculs des droits sociaux, casse des services publiques, du droit du travail, de la protection sociale, la droite est responsable de la montée du FN et plus généralement du racisme, pour avoir depuis trois décennies développé un discours xénophobe.
Déjà en 1980, avant la victoire de Mitterrand, la droite proclamait : « il n’est plus questions d’accueillir un seul étranger en France ». Cette offensive anti-immigrés a pris de l’ampleur au fil des années. Après cinq ans d’opposition au gouvernement de gauche, la droite (RPR-UDF) repasse au pouvoir en 1986. Charles Pasqua donne le ton de la politique du nouveau gouvernement de cohabitation, avec une loi revenant sur les droits des étrangers acquis depuis cinq ans et en accordant aux préfets un pouvoir de décision en matière d’expulsion des sans-papiers. Cette loi augmente pendant les deux ans qui suivent le nombre d’expulsions, agrémentées de petites phrases ministérielles dénonçant les « demandes abusives du droit d’asile » ou rappelant que « la loi s’applique à tous », même aux sans-papiers, pour qui on applique surtout celle de reconduite à la frontière…
En 1993, le deuxième gouvernement de cohabitation œuvrera lui aussi dans ce sens, avec notamment les lois Pasqua (facilitation des contrôles d’identité, rétention administrative de trois mois, limitation de l’accès aux visas et aux titres de séjour, interdiction du territoire pendant un an après expulsion, interdiction de regroupement familiale pour les étudiants…). Ces mesures visent à séduire les électeurs du FN qui commence à percer, dépassant les 10% à plusieurs élections. Elles sont accompagnées de ces dérapages contrôlés, dont nous avons aujourd’hui l’habitude. À l’époque, la palme revient à Jacques Chirac, qui affirme par exemple en 1983 qu’il « n’aurai[t] pas du tout été gêné de voter pour [une] liste RPR-FN au second tour » des municipales ou discoure en 1991 sur « le bruit et l’odeur » d’« une famille [d’étrangers] avec un père de famille, trois ou quatre épouses, et une vingtaine de gosses, et qui gagne 50 000 francs de prestations sociales, sans naturellement travailler ».
Les deux premières années de présidence de Chirac (1995-1997, gouvernement Juppé) sont marquées par quelques nouvelles attaques contre les immigrés (lois Debré), mais surtout par de nombreuses luttes et actions de sans-papiers et d’associations de soutien. Les élections de 2002, la réélection de Chirac et l’arrivée de Sarkozy au ministère de l’intérieur marquent le début d’une nouvelle période. Après avoir réformé le droit d’asile, afin de facilité la reconduction à la frontière des demandeurs refusés, le gouvernement s’attaque à la création d’une loi sur la « maîtrise de l’immigration », passée au parlement avec la mention « urgence déclarée », comprenant, entre autres, l’allongement de la durée de rétention, la création d’un fichier d’empreintes digitales des demandeurs de visas et le renforcement du contrôle des mariages mixtes. En 2005, le duo Villepin-Sarkozy se lance dans un croisade contre l’« immigration subie » et réclame des quotas afin d’organiser une « immigration choisie ».
La suite, en 2007, on la connaît : l’élection de Sarkozy, la création du « ministère de l’immigration et de l’identité nationale »… Ce sont les débats sur l’identité nationale puis sur la laïcité (puis finalement sur la place de l’islam en France) et le jeu des Besson, Hortefeux et Guéant à qui sortira la plus grosse lepenerie. C’est la chasse aux Rroms en août 2010, les nouvelles restrictions sur l’immigration de travail, le regroupement familial et le droit d’asile, la circulaire Guéant contre les étudiants étrangers en mai 2011.
… Bien initiée par la gauche
En 1981, le nouveau gouvernement PS s’ouvre à quatre ministres communistes. Cette ouverture a pour but de mettre de son côté le PCF qui ne va pas tarder à devoir cautionner les coups portés à la classe ouvrière contre ses droits et son unité.
Les premières mesures antisociales ne se font pas attendre. La politique de relance menée par le gouvernement concerne bien plus pour les profits que la consommation. Il continue à diminuer les cotisations sociales en augmentant les aides au patronat.
Même ce qui pourrait passer pour des mesures « de gauche » se révèle plus favorable à la bourgeoisie qu’à la classe ouvrière. Les nationalisations de trusts et des banques sont un cadeau sans précédent aux actionnaires. Loin de se faire exproprier, ils sont largement indemnisés par le rachat de leurs actions bien au-dessus de leur valeur. En 1982 le gouvernement décréte « illégale » l’indexation des salaires sur les prix. Même la droite n’avait pas osé ! Les salaires perdent du terrain par rapport aux prix, au plus grand bonheur du patronat.
Les travailleurs subissent la répression. Le gouvernement ne se gêne pas pour envoyer des CRS, comme en 1983 quand les ouvriers de Peugeot occupent leur usine pour lutter contre un plan de 1 900 licenciements. Pendant ce temps là, le PCF tente de jouer sur les deux tableaux. Alors que les quatre ministres communistes apportent leur soutient au plan de licenciements de 1984 dans les aciéries, Georges Marchais défile aux côtés des travailleurs en grève (et l’Huma titre : « Nous sommes au gouvernement et avec les travailleurs »…).
C’est dans cette même période que le FN grimpe en flèche dans les diverses élections. En 1974, à l’élection présidentielle, Le Pen avait obtenu 0,72% des voix. Il n’avait pas réussi à se présenter à celle de 1981. Au moment où la gauche porte les coups les plus durs, le FN crée la surprise. En juin 1984, il atteint 11% aux élections européennes (autant que le PCF !).
C’est déjà sur le thème de l’immigration que le FN mène sa campagne. Le PS n’est pas en reste. La gauche a régularisé 100 000 travailleurs immigrés en 1981. Mais avec la montée du chômage, elle a vite changé de discours. « En Italie, on distribue des document en arabe pour expliquer aux immigrés qu’ils ont intérêt à aller en France (…). Il faut que les immigrés clandestins sachent qu’ils peuvent être expulsés. » Ces propos à la Guéant sont ceux de Gaston Defferre, ministre de l’Intérieur sous Mitterrand. Le PCF entraîne au passage ses militants dans une campagne sur le « produisons français », qui divise les travailleurs entre eux, faisant passer les travailleurs étrangers pour des concurrents.
Le PS et ses dirigeants ne s’arrêteront plus. Jusqu’au bout, la gauche mènera une politique toujours un peu plus xénophobe. La Première ministre Edith Cresson s’amuse ainsi à plaisanter en déclarant : « Les charters, ce sont des gens qui partent en vacances à des prix inférieurs. Là ce sera totalement gratuit et ce ne sera pas pour les vacances. »
Les sentiments et les actes racistes ne sont pas nés avec le développement de l’extrême droite lepéniste. Ces idées ont trouvé un terrain où s’exprimer avec les politiques antisociales menées depuis trente ans aussi bien par le PS (soutenu par le PCF) que par l’UMP. Les politiques antisociales sont à combattre partout et tout le temps, qu’elles soient de gauche ou de droite !
Amandine et Gautier (Comité jeunes Caen)