Généralisation des « Comp » : une nouvelle attaque contre les étudiants

Article du N°33 de Révolutionnaires (29 avril 2025)

Alors que les étudiants luttent depuis plusieurs mois contre les coupes budgétaires dans les universités (1,5 milliard de coupes dans le budget 2025, soit des millions d’euros supprimés dans les budgets de toutes les universités), Philippe Baptiste, le ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche de Bayrou, a annoncé une réforme du financement des universités : la généralisation des Contrats d’objectifs, de moyens et de performance (Comp).

Retour en arrière : depuis la loi LRU de 2007, les universités sont « autonomes » financièrement et doivent chercher de l’argent auprès de l’État pour leur fonctionnement. Elles reçoivent ainsi chaque année une « subvention pour charge de service public » (SCSP) théoriquement calculée sur la base du nombre d’étudiants et d’enseignants-chercheurs, mais qui fait surtout l’objet d’âpres négociations avec le ministère. Cette subvention est inégalitaire, et le financement est notoirement insuffisant pour étudier dans de bonnes conditions. À l’échelle nationale, le budget par étudiant a baissé de 22 % entre 2010 et 2024. Pour combler le manque, les universités réduisent le nombre de places, sélectionnent davantage leurs étudiants et répondent à des appels à projets du ministère, mettent en place des « projets d’excellence » ou des filières d’élite, pour grappiller quelques millions en plus. Les universités sont mises en concurrence pour obtenir des subsides de l’État.

Les Comp, créés en 2023 par l’ex-ministre Sylvie Retailleau, constituent l’aboutissement de cette politique de sous-financement et de concurrence : ils visent à donner plus de moyens aux 34 établissements pionniers qui suivent les exigences du ministère. À l’heure actuelle, les Comp représentent 0,8 % de leur SCSP. C’est peu, mais dans une université comme Nanterre (Hauts-de-Seine), cela correspond tout de même à quatre millions d’euros qui sont versés à condition de remplir les objectifs du ministère (et donc en fin de compte les demandes du patronat) : ceux-ci sont fixés à partir de plusieurs indicateurs, comme le taux d’insertion professionnelle ou de réussite. L’université s’engage ainsi à la création d’enseignements à distance et en hybride. Mais aussi à la « transformation » des formations « dont la performance n’est pas satisfaisante », comme les licences de LLCER (langues, littératures et civilisations étrangères et régionales), de philosophie, de lettres ou de sciences sociales. Quitte à supprimer ces filières qui n’intéressent pas les employeurs ? Interrogée par des syndicalistes étudiants, la direction de l’université de Nanterre ne s’est pas engagée à les maintenir.

C’est dans ce contexte que Philippe Baptiste a annoncé la généralisation du dispositif « à l’ensemble du territoire à partir de l’année 2026 » pour qu’il concerne « 100 % de la subvention pour charge de service public (SCSP) des universités ». Cela signifie que le chantage ministériel appliqué dans quelques filières à Nanterre ou ailleurs deviendrait la norme du financement des universités.

L’université n’a pas à être performante aux yeux du patronat ni sélective, excluant les enfants d’ouvriers. Nous luttons pour une fac ouverte à la classe ouvrière et dirigée par elle, conditions réelles pour qu’elle devienne un lieu d’émancipation individuelle et collective, par le développement de connaissances, de la science et d’un savoir critique. Il faut des moyens à la hauteur des besoins.

La lutte des étudiants contre les coupes budgétaires ce second semestre n’est qu’un début… Le gouvernement avance sur ces plans, c’est à nous maintenant d’avancer dans cette perspective !

B. Ruz • 27/04/2025