Interview de Philippe Poutou
L’ÉA : Tu sors de ton dernier meeting, à Rouen. Quels premiers bilans peux-tu tirer de la campagne ?
C’est difficile de tirer des bilans maintenant, car on est encore en plein dedans, mais il y a un début de bilan collectif qu’on peut tirer c’est qu’on a réussi cette campagne, et que l’égalité de temps de parole c’est payant. On a eu une visibilité plus importante, et puis on a vite vu que ça faisait tache chez les gens, que ça avait un accueil sympathique, et au delà de ça on représente quelque-chose.
Au delà du fait qu’on soit du coté du camp des opprimés, on a aussi une perspective politique qui résonne dans la tête de plein de gens. D’un coté il y a les politiciens professionnels et aussi l’habitude de se faire avoir par les gouvernements de droite comme de gauche ; et de l’autre il y a notre discours de lutte, même si les gens ne sont pas tout de suite prêts à s’en emparer pour lutter, il n’empêche que c’est perçu comme un discours qui est nécessaire, dans cette campagne. Et ça redonne un peu confiance, même si ça ne suffit pas pour que les gens s’en emparent. Au moins, les gens auront entendus ce discours.
L’ÉA : Tu as visité et rencontré beaucoup de boites en lutte et de collectifs militants, y a-t-il une expérience qui t’a particulièrement marqué ?
J’ai été invité à rencontrer des salariés en lutte, les Fralib, ou les Arcelor qui se battent contre les licenciements et la fermeture de leur usine. J’ai rencontré les militants des collectifs du Droit Au Logement ou de Réseau Education Sans Frontières, et puis des travailleurs sociaux avec ces problématiques autour des sans papiers et de ceux qui ont du mal à se loger. J’ai aussi rencontré une association qui défend les droits des prisonniers, ils ont le droit de vote mais rien n’est fait pour qu’ils puissent voter car l’Etat refuse d’organiser des élections auprès d’eux. Tout ça, c’est des trucs qui te restent dans la tête.
Et aussi les luttes des copains qui se battent contre les centres d’enfouissement de déchets nucléaires, c’est très marquant car c’est dans des coins reculés où il y a une partie de la population qui résiste ensemble et qui tient la route, et sur des bagarres qui durent super longtemps, avec un effort permanent pour sensibiliser la population, les élus… Voilà, ce sont des batailles qui sont touchantes, et que je ne suis pas habitué à voir et à discuter. Et en 8 mois de campagne il y en a eu pas mal de rendez-vous, et c’est vraiment enrichissant.
L’ÉA : Voudrais-tu dire quelque chose de particulier aux gens qui ont voté pour toi ?
Eh bien, merci ! (rires). Mais pas que merci, car ceux qui votent pour nous ils faudra aussi qu’on discute ensemble de la riposte à construire. Et derrière ça j’espère qu’il y a aussi la conviction que ce n’est qu’un début, et que l’enjeu c’est de se retrouver ensemble dans les luttes, et qu’il y a réellement une riposte à organiser rapidement.