Jeux vidéo : avec les patrons aux manettes, rien ne va pour les travailleurs !
Article du n°11 de Révolutionnaires (Mars 2024)
C’est au tour de Sony d’annoncer le licenciement de 900 personnes chez Playstation, après que Microsoft en a annoncé 1 900 dans sa division Jeux vidéo, tout juste après avoir racheté Activision Blizzard, l’éditeur de Call of Duty. Après les 10 000 licenciements recensés dans le secteur en 2023, on en est déjà à 7 000 pour 2024. Mais l’industrie du jeu vidéo n’est pas la seule touchée : Meta a licencié 11 000 salariés, Google 12 000, Amazon 18 000, tout en annonçant respectivement 39, 307,4 et 514 milliards de dollars de chiffres d’affaires en 2022.
Les capitalistes font payer leur crise aux travailleurs
L’augmentation des chiffres d’affaires pendant la pandémie a conduit à des embauches et à une augmentation de la production, mais celle-ci a fini par excéder la consommation après un retour à une vie sociale plus active – et à la difficulté croissante à boucler les fins de mois. Pris d’une peur bleue de perdre quelques milliards, les patrons du secteur augmentent la productivité : exploitation accrue et réduction des coûts de production, notamment par des licenciements – ces derniers étant accélérés ou provoqués par les fusions et les rachats qui renforcent les grandes entreprises au détriment des petites, contraintes à leur tour de licencier ou de fermer boutique. Les travailleurs du jeu vidéo n’échappent pas à leur position dans les rouages du système capitaliste : jusqu’ici « épargnés » en tant main-d’œuvre convoitée pour assurer le développement du secteur, ils sont, comme les autres travailleurs, une force de travail interchangeable et exploitable.
De son côté, Microsoft est devenue la troisième entreprise de l’histoire dont la valorisation est de plus de 3 000 milliards de dollars. Son PDG a touché 48,5 millions de dollars en 2023. Quant aux travailleurs qui ont échappé aux licenciements, ils subissent des journées à rallonge, des heures supplémentaires non payées, notamment le week-end et les jours fériés, avant les phases finales de développement d’un jeu où les périodes de « crunch » sont monnaie courante. Ces phases organisées d’intensification du travail sont prévues pour ne pas retarder la date de sortie des jeux et sont synonymes pour les équipes d’objectifs souvent irréalisables. Ces périodes exacerbent les pressions très individualisées sur les salariés dès lors qu’ils ne se montrent pas « team player », autrement dit dès qu’ils n’acquiescent pas aux décisions prises par la direction (quel affront ! surtout lorsqu’on exerce un métier « passion » !) et donnent l’impression « d’abandonner » les collègues en voulant ralentir un peu la cadence.
Une seule solution, l’organisation !
Si les salariés peinent encore à se mobiliser dans un secteur où l’on change régulièrement d’entreprise, où le taux de syndicalisation est très faible (même si des syndicats et collectifs se structurent petit à petit), des grèves jusqu’alors quasi inexistantes s’organisent, comme à Ubisoft. Celle du 14 février dernier (la seconde en un an !) a eu lieu pour exiger des augmentations de salaire et dénoncer le harcèlement sexuel par plusieurs managers, tandis qu’Yves Guillemot, le PDG, se félicitait d’un « troisième trimestre solide » en annonçant sa détermination à « poursuivre dans cette voie […] pour une réussite à long-terme ». Mais les 700 grévistes qui se sont réunis autour de piquets de grève à Paris, Montpellier, Annecy, Lyon et Bordeaux, ont compris que « cette voie » n’était pas la leur !
Camille Sotile