
Le 1er mai en Turquie, vers un rebond de la mobilisation ?
Article du N°33 de Révolutionnaires (29 avril 2025)
Mercredi 23 avril, un séisme de magnitude 6.2 a fait trembler les murs d’Istanbul et blessé plus de 260 personnes. Aucun effondrement n’est à déplorer – même si on regrette qu’aucune brèche n’ait ouvert la prison de Silivri où sont enfermés de nombreux opposants à Erdoğan.
Dès les premières secousses, des dizaines de milliers d’habitants de la métropole sont sortis dans les rues, de peur d’être ensevelis sous les décombres. La population garde en mémoire le tragique tremblement de terre de 2023, qui avait fait plus de 50 000 morts en Turquie et en Syrie. Une catastrophe qui n’avait rien de « naturelle » : les magnats de l’immobilier ayant construit des milliers de bâtiments sans prendre en compte les risques sismiques, pour s’enrichir avec la complicité du régime Erdoğan. Et si l’État turc a dû condamner quelques patrons pour montrer patte blanche, il n’a pas mis fin aux pratiques crapuleuses des promoteurs immobiliers.
Celles et ceux qui se battent aujourd’hui contre la tentative de coup d’État d’Erdoğan n’oublient pas les crimes de son régime. Le souvenir du mouvement de 2013 contre la destruction du parc Gezi résonne encore chez les milliers d’étudiants qui maintiennent les manifestations et actions dans leur université malgré la violence de la répression et les perspectives uniquement institutionnelles du principal parti d’opposition (CHP). Mais c’est une nouvelle génération qui expérimente son premier mouvement de masse. Alors que le 1er mai approche et que plusieurs lycées se mettent en grève contre les mutations forcées de professeurs opposés à l’AKP (le parti d’Erdoğan), étudiants et lycéens mobilisés entendent bien manifester place Taksim, que les forces de police transforment chaque année depuis douze ans en forteresse assiégée. Tiendra-t-elle cette année ?
Les manifestations de la journée internationale des travailleurs seront-elles l’occasion pour ceux-ci de rejoindre la lutte ? Il ne manque pas de raisons de protester contre le régime : les conditions de vie des classes populaires s’effondrent, l’inflation officielle dépasse les 40 % – en réalité 90 % – et le salaire minimum est en dessous du seuil de pauvreté. Mais l’AKP conserve une certaine influence chez les travailleurs, aidé par une multitude de syndicats corporatistes qui refusent de se joindre à la révolte politique en cours. Une partie des étudiants essaie de dépasser cet obstacle, en allant manifester devant les locaux de la Disk (Confédération des syndicats révolutionnaires) ou en allant directement soutenir les travailleurs en lutte, comme ceux du chantier de construction de l’hôpital de la ville de Sakarya où les ouvriers ont obtenu leurs salaires non payés après dix jours de lutte et ont rendu hommage à « leurs jeunes amis qui peignent les rues aux couleurs de la rébellion ». Si les grèves économiques actuelles – comme dans les raffineries de Tüpraş – rejoignaient les manifestations de jeunes, le régime ne tiendrait pas longtemps.
Ainsi, il n’est pas étonnant qu’une partie de la jeunesse regarde du côté de la Grèce ou de la Serbie où le slogan « Résistance générale, grève générale », scandé en Turquie, prend vie.
Stefan Ino • 27/04/2025