« Si les gosses sortent, on est foutus !»
Cette affirmation nous vient d’un ministre macroniste, quelque peu apeuré, s’exprimant auprès du quotidien Les Échos avant la manifestation massive du 19 janvier. Les sphères du pouvoir ont bien raison de craindre la contagion du mouvement, déjà lancé par plus d’un million de personnes dans les rues. Ministres et autres ne sont d’ailleurs pas les seuls à se préoccuper du début de mobilisation dans les facs et les lycées : les travailleurs, de leur côté et pour bien d’autres raisons, s’y intéressent et recherchent la présence de jeunes en manif, ont regardé d’un bon œil les quelques cortèges étudiants organisés dans les différentes villes. Ces cortèges – qui seront probablement plus massifs le 31 janvier –, démontrent que les jeunes ont conscience que la réforme des retraites les concerne, si ce n’est directement pour eux du moins parce qu’ils en ont ras-le-bol de l’inflation, de la crise climatique, des inégalités et injustices dont maintenant cet allongement de l’âge de départ à la retraite… C’est contre tout un modèle de société qu’il s’agit de lutter ! Pour beaucoup, la mobilisation contre les retraites dépasse donc la simple réforme et catalyse une colère bien plus générale contre cette société où les riches s’enrichissent et les pauvres s’appauvrissent.
« Ils reculent l’âge de la retraite, mais avancent l’âge de la mort »
Des éditorialistes ont fait mine de ne pas comprendre pourquoi les lycéens bloquaient les lycées jeudi dernier et ont tourné en ridicule la manifestation du 21 appelée par les organisations de jeunesse : « pourquoi manifester contre la réforme des retraites, alors que vous n’avez jamais bossé ? ». Pour toutes celles et ceux qui se mobilisent, il s’agit de refuser de voir leurs parents, leurs aînés, souffrir et mourir au travail, ou dans la précarité du chômage forcé. Pendant que l’âge de la retraite est sans cesse augmenté à coups de réformes successives, concoctées par des gouvernements de droite comme de gauche, l’espérance de vie en bonne santé diminue. Déjà à 65 ans, 25 % des ouvriers sont morts. Se battre, c’est refuser de mourir en travaillant. Refuser la concurrence intergénérationnelle accrue entre les travailleurs, alors que les jeunes subissent déjà un taux de chômage trois fois supérieur à la moyenne. Alors, si les jeunes n’ont pas encore commencé à compter leurs trimestres de cotisation – et pour cause, le premier emploi stable commence en moyenne à 27 ans ! –, ils savent déjà que leur retraite arrivera entre 67 et 70 ans ! Quant aux 1 200 euros minimum soi-disant garantis par le gouvernement, ils savant aussi qu’au vu de toutes les conditions requises, ils ne concerneront qu’une poignée de personnes en France. Travailleurs ou futurs travailleurs, nous sommes tous attaqués, c’est donc tous ensemble qu’il faut riposter !
Contre Macron et son monde, balayons les patrons !
Les jeunes qui se mobilisent dans les universités et les lycées sont encore des minorités, portées par des organisations syndicales et politiques, certes affaiblies, mais qui pourraient vite regagner en influence. Derrière la lutte contre la réforme des retraites, c’est celle contre un projet de société, contre un gouvernement Macron haï, qu’il faut STOPPER. Une société qui voit les dividendes versés aux actionnaires atteindre des taux historiques en 2021 et 2022, pendant que le taux de pauvreté atteint de son côté de sinistres records. Une société qui prétend ne plus avoir d’argent pour financer les retraites quand le gouvernement annonce dans le même temps une augmentation du budget de l’armée. Cette société, c’est celle de la loi du capital et des profits à tout prix.
C’est la colère contre cette société capitaliste qui s’exprime dans les assemblées générales qui se sont tenues ou se tiennent dans la quasi-totalité des universités françaises (plus d’une trentaine en une semaine), à quelques jours de la nouvelle journée de grève et manifestations du 31 janvier. Elles rassemblent de plus en plus d’étudiants qui se mobilisent. On est loin encore des niveaux des dernières victoires, mais au démarrage d’un nouveau semestre universitaire, les cours reprennent peu à peu, et déjà les taux de participation aux assemblées générales ont doublé, voire triplé dans certaines facs. Et si ces centaines de jeunes déjà mobilisés deviennent tous des militants du mouvement, ils peuvent en ramener des milliers avec eux portés par la réussite des premières journées de mobilisation. Le fait que des enseignants dans les facs annoncent vouloir faire grève donne aussi confiance. Plus important encore, les dizaines de milliers de jeunes, dont des lycéens et lycéennes, disséminés dans les manifestations du jeudi 19 janvier, et qui vont sûrement continuer activement la mobilisation.
D’où l’importance que la jeunesse s’engage dans des comités de mobilisation, des assemblées générales, des cortèges jeunes dans les manifestations qui devraient alors largement dépasser les cadres proposés par les organisations de jeunesse syndicales ou politiques. Donnons-nous les moyens de nous rassembler, de préparer efficacement la suite, de montrer aux différents secteurs de la classe ouvrière qu’ils ne sont pas seuls. C’est aussi une manière de nous organiser par nous-mêmes et de décider par nous-mêmes.